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ÉRYXIAS

souffrirais pas de vous voir en désaccord l’un contre l’autre, mais, si j’en étais capable, je vous dirais ce qui en est et ferais cesser ainsi ce désaccord. Présentement, puisque je m’en trouve incapable et que, d’autre part, chacun de vous deux se croit de taille eà forcer l’assentiment de l’autre, je suis prêt à vous aider autant que je le puis, à convenir entre vous de la vérité sur ce point. À toi donc, Critias, ajoutai-je, de nous amener à ton avis, comme tu as entrepris de le faire ». — « Mais, répondit-il, ainsi que j’avais commencé, je demanderais volontiers à Éryxias s’il pense qu’il y a des hommes justes et injustes ». — « Oui, par Zeus, dit celui-ci, absolument ». — « Mais quoi, commettre une injustice, est-ce un mal, selon toi, ou un bien ? » — « Un mal, évidemment ». — « Te semble-t-il qu’un homme entretenant, au moyen d’argent, une liaison adultère avec les femmes de ses voisins, commette une injustice, oui ou non ? Et cela, malgré les défenses de la cité et des lois ? » — « Pour moi, je crois qu’il commet une injustice ». — « Donc, poursuivit-il, s’il est riche et peut dépenser de l’argent, le premier homme injuste venu et quiconque voudra, pourra se rendre coupable. 397Si, au contraire, il n’est pas riche et n’a pas de quoi dépenser, il ne pourra faire ce qu’il veut et, par conséquent, ne saurait se rendre coupable. C’est pourquoi, il est plus avantageux à l’homme de ne pas être riche, puisque ainsi, il fait moins ce qu’il veut[1], — et il veut ce qui est mauvais. Mais encore, diras-tu que la maladie est un mal ou un bien ? » — « Un mal certes ». — « Eh quoi ! Ne crois-tu pas qu’il y ait des gens intempérants ? » — « Je le crois ». — « Or, s’il valait mieux pour cet homme, beu égard à sa

    malgré leur médiocrité, sont estimés à la mesure de leur fortune (Stob., Floril. 91. 32). — Plutarque exprime la même idée et traduit ainsi l’enseignement des avares à leurs héritiers : ταῦτα γάρ ἐστιν ἃ παραινοῦσι καὶ διδάσκουσι· κέρδαινε καὶ φείδου, καὶ τοσοῦτον νόμιζε σεαυτὸν ἄξιον εἶναι ὅσον ἂν ἔχῃς (De Cup. div. 526 c).

  1. Cf. Euthyd., 281 b : « Par Zeus, y a-t-il quelque utilité à posséder les autres biens, sans la prudence et la sagesse ? L’homme qui possède beaucoup et entreprend beaucoup de choses, mais n’a pas d’esprit, gagnera-t-il plus que celui qui possède peu et agit peu, mais qui a de l’esprit ? Considère ceci : n’est-il pas vrai qu’agissant peu, il se tromperait moins ; se trompant moins, il n’agirait pas aussi mal, et n’agissant pas aussi mal, il serait moins malheureux : οὐκ