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ÉRYXIAS

nous voulions rechercher pourquoi, chez les Scythes, les maisons ne sont pas des richesses et le sont au contraire chez nous ; pour les Carthaginois, dpourquoi ce sont les sacs de cuir et pas pour nous ; le fer, pour les Lacédémoniens, et pas pour nous, ne trouverions-nous pas cette solution ? Par exemple, si un Athénien possédait de ces cailloux de l’agora, qui ne nous sont d’aucune utilité, pour un poids de mille talents, l’estimerait-on plus riche pour cela ? » — « Je ne le crois pas ». — « Mais si c’étaient mille talents de pierre lychnite[1], ne le dirions-nous pas fort riche ? » — « Assurément ». — « Et n’est-ce pas, repris-je, epour ce fait que cet objet nous est utile, tandis que l’autre ne l’est pas ? » — « Oui ». — « C’est encore pour cela que, chez les Scythes, les maisons ne sont pas des richesses, car chez eux, la maison n’est d’aucun usage : un Scythe ne préférerait pas la plus belle maison à une peau de cuir ; celle-ci lui est utile, et le reste ne lui sert de rien. De même, nous ne regardons pas comme richesse la monnaie carthaginoise : avec elle, nous ne pourrions nous procurer le nécessaire comme avec l’argent, de sorte qu’elle nous serait inutile ». — « Apparemment ». — « Donc, toutes les choses qui nous sont utiles, voilà des richesses ; toutes celles qui ne servent pas, ne le sont pas ». Éryxias prenant la parole : « Comment, Socrate, dit-il, n’est-il pas vrai que 401nous nous servons vis-à-vis les uns des autres de procédés tels que discuter, nuire…[2] et bien d’autres ? Seraient-ce là des richesses pour nous ? car, ce sont sans doute des choses utiles. Ce n’est donc pas encore ainsi que s’est révélée à nous la nature des biens. Que ce caractère d’utilité doive se rencontrer pour qu’il puisse y avoir richesse, cela tout le monde l’accorde ou à peu près ; mais parmi les

    IX : Πρῶτον μὲν γὰρ ἀκυρώσας πᾶν νόμισμα χρυσοῦν καὶ ἀργυροῦν μόνῳ χρῆσθαι τῷ διδηρῷ προσέταξε· καὶ τούτῳ δὲ ἀπὸ πολλοῦ σταθμοῦ καὶ ὄγκου δύναμιν ὀλίγην ἔδωκεν, ὥστε δέκα μνῶν ἀμοιβὴν ἀποβήκης μεγάλης ἐν οἰκίᾳ δεῖσθαι καὶ ζεύγους ἄγοντος… Voir aussi : Polybe, VI, 49, qui signale les inconvénients de ce νόμισμα σιδηροῦν.

  1. Les Grecs désignaient de ce nom le marbre de Paros, soit à cause de son éclat, soit à cause du mode d’extraction qui nécessitait l’emploi de lampes (λύχνος).
  2. La leçon βλάπτειν donnée par les mss., sans être impossible, paraît suspecte : « Coniecturae autem a uiris doctis adlatae mihi