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ÉRYXIAS

faisons de la nourriture, de la boisson, des vêtements, des couvertures, des maisons, nous avions la possibilité d’apaiser les exigences du corps, cau point de n’en plus éprouver le besoin, l’or, l’argent et tous ces autres biens ne nous seraient d’aucune utilité pour ce but, puisque sans cela nous pourrions l’atteindre ». — « Évidemment ». — « Et cela ne nous semblerait plus richesse, puisque ce serait inutile ; mais ce qui serait richesse, ce serait les objets qui nous permettraient de nous procurer les biens utiles ». « Socrate, on n’arrivera pas à me persuader que l’or, l’argent et autres biens du même genre ne soient pas des richesses. Oui, je crois tout à fait que ce qui est inutile n’est pas richesse det que les richesses comptent parmi les biens les plus utiles pour cela [c’est-à-dire pour satisfaire aux nécessités du corps][1]. Mais je ne saurais admettre que ces richesses ne servent de rien à notre vie, puisque par elles nous nous procurons le nécessaire ».

« Eh bien ! qu’allons-nous dire de ceci[2] ? Y a-t-il des gens qui enseignent la musique, la grammaire, ou quelque autre science, et reçoivent en échange le nécessaire, faisant argent de ces sciences ? » — « Oui, il y en a ». — « Donc ces gens-là, grâce à leur science, epourraient se procurer le nécessaire en l’obtenant en échange de cette science, comme nous en échange de l’or et de l’argent ». — « Oui ». — « Et si de cette manière ils se procurent ce qu’il faut pour vivre, cette science aussi sera utile à la vie, car voilà pourquoi, nous l’avons dit, l’argent est utile : par lui, nous avons la possibilité d’acquérir ce qui est nécessaire à l’entretien du corps ». — « C’est cela ». — « Si donc, les sciences elles-mêmes appartiennent à la catégorie des objets utiles à ce but, les sciences nous semblent être des richesses au même titre que

  1. Cf. 402 b, 7 et 8 et d 3.
  2. L’argumentation qui suit est probablement empruntée à Xénophon. Le chap. 1 de l’Économique développe un thème analogue : par richesses, il ne faut pas entendre seulement l’or et l’argent, mais aussi tout ce qui est utile à la vie. Ainsi, les maisons, les troupeaux, l’art (par exemple, la musique), les sciences…, les amis et même les ennemis, puisque d’eux on peut retirer quelque utilité. Mais on doit ajouter une précision. Pour qu’un objet soit utile et mérite le nom de richesse, il faut savoir s’en servir. Ceux-là seuls qui auront la science de ces biens, posséderont des richesses.