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AXIOCHOS

paraît juste. Mais je ne sais comment, arrivé à cet instant fatal, je sens s’évanouir, presque à mon insu, ces fortes et sublimes leçons, et je n’en fais plus d’estime ; une sorte de crainte les supplante, me déchirant l’esprit de mille manières, crainte d’être privé de cette lumière et de ces biens, de pourrir quelque part, invisible et ignoré, la proie des vers et des insectes.


Premier
argument.

Socrate. — Mais, Axiochos, c’est que tu mêles étourdiment det sans y réfléchir le sentiment et l’insensibilité, et tu te contredis dans tes paroles et dans tes actes : ne songes-tu pas, en effet, que tu gémis sur l’absence de sentiment, et en même temps te voilà tout troublé à cause de la pourriture et de la privation des plaisirs, comme si tu mourais pour retourner à une nouvelle vie et non pour retomber dans une complète insensibilité, absolument comme avant ta naissance. Sous le gouvernement de Dracon ou de Clisthène, n’est-ce pas, aucun mal ne pouvait t’atteindre, car il te manquait d’abord d’être pour qu’il puisse te toucher, — eh bien ! aucun non plus ne t’atteindra après ta mort, ecar tu n’existeras pas pour lui servir de but. Chasse donc toutes ces sottises, et songe que, une fois le composé détruit, et l’âme une fois établie dans son propre séjour, ce corps qui reste, ce corps de terre et sans raison, n’est plus l’homme. Car nous sommes une âme[1], animal immortel enfermé dans une prison mortelle ; et cette enveloppe corporelle, la nature, 366pour notre mal, nous l’a ajustée[2] : à elle les plaisirs superficiels, fugitifs et mêlés de mille peines ; à elle aussi les douleurs profondes, les douleurs

    que la partie soit prise pour le tout, le toucher, pour l’ensemble des sens. — D’autres interprètes, Pircanerus, Wolff, Serranus, traduisent d’une façon plus vague : « il avait repris ses forces », recuperatis uiribus, collectis uiribus, interdum hominem iam uires recepisse… Συνειλεγμένον τὰς ἁφὰς est, en effet, expliqué par les mots qui suivent (τῷ σώματι ῥωμαλέον), et s’oppose à l’expression ἀδυνάτως ἔχει (b, 6).

  1. La doctrine que l’âme, et non le corps, constitue l’homme est exposée dans Alcibiade I, 130 a, b, c.
  2. Cf. Platon, Phédon, 82 e : τὴν ψυχὴν… διαδεδεμένην ἐν τῷ σώματι καὶ προσκεκολλημένην, ἀναγκαζομένην δὲ ὥσπερ διὰ εἰργμοῦ… 62 b : …ὡς ἔν τινι φρουσᾷ ἐσμεν οἱ ἄνθρωποι. — Dans le Timée de Locres, on trouve des expressions analogues à celles de l’Axiochos,