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AXIOCHOS

tu n’avais, par ignorance, supposé en même temps quelque sensibilité, tu ne te serais jamais effrayé de la mort. Et maintenant, tu te frappes toi-même : tu crains d’être privé de l’âme et tu attribues une âme à cette privation ; tu trembles de ne plus sentir et tu imagines une sensibilité pour percevoir cette absence de sensibilité.


bQuatrième
argument.

Sans parler de raisons nombreuses et bonnes en faveur de l’immortalité de l’âme[1] : une nature mortelle aurait-elle jamais entrepris de si grandes choses, comme de braver la force bien supérieure des bêtes fauves, de traverser les mers, de construire des villes, d’établir des constitutions, de regarder le ciel et de considérer les révolutions des astres, la course du soleil et de la lune, leur lever et leur coucher, leurs éclipses et la rapidité de leur retour périodique, les équinoxes et les deux tropiques, les pléiades d’hiver, cles vents estivaux, ainsi que les chutes de pluie et la fureur des ouragans, — aurait-elle pu consigner pour l’éternité, dans des écrits, les vicissitudes de l’univers, s’il n’y avait réellement dans l’âme comme un souffle divin[2] qui lui permît de prévoir et de connaître toutes ces merveilles. Ainsi, ce n’est pas à la mort, mais à l’immortalité que tu vas, Axiochos ; les biens ne te seront pas enlevés, mais tu en jouiras plus purement ; tu n’auras pas ces plaisirs mêlés au corps mortel, mais les plaisirs sans mélange de douleur. cTu t’en iras là-bas, dégagé de cette prison, là où il n’y a plus de labeurs, plus de gémis-

    rent pour ses lecteurs. Les thèses épicuriennes qu’il vient de développer sont de véritables rabâchages d’école à l’époque où il écrit.

  1. Plusieurs critiques croient qu’il y a une lacune à 370 b après le mot αἰσθήσει, sans quoi l’expression πρὸς τῷ πολλοὺς serait inexplicable (v. g. Buresch, p. 14 ; Immisch, p. 39). Mais, comme l’a justement remarqué Brinkmann (op. cit., p. 447), l’hypothèse est superflue. L’argument qui suit la lacune supposée, constitue, en fait, un λόγος περὶ τῆς ἀθανασίας, comme les précédents, et la phrase πρὸς τῷ… doit s’entendre ainsi : en plus des nombreux discours qui existent au sujet de l’immortalité de l’âme, ajoutons celui-ci… Sur le sens des termes πρὸς τῷ cf. Platon, Phédon, 106 c ; Lois, VI, 764 a.
  2. Le terme πνεῦμα, contrairement à l’usage platonicien, a ici un sens spirituel. Pour Platon, le, mot garde toujours sa signification matérielle primitive. La doctrine qui établit un rapport entre πνεῦμα