Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 3.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
374 b
17
DU JUSTE

Nuire est donc injuste ?

Oui.

cDonc, dire la vérité, ne pas tromper, rendre service, voilà ce qui est juste ; mentir, au contraire, nuire, tromper, voilà l’injuste.

Par Zeus, c’est absolument cela.

Et même s’il s’agit des ennemis ?

Oh ! nullement.

Mais il est juste de nuire aux ennemis, injuste de leur rendre service[1] ?

Oui.

Donc, il est juste de les tromper, et ainsi de leur nuire ?

Pourquoi pas ?

De plus, mentir pour les tromper et pour leur nuire, n’est-ce pas juste ?

Si.

dEt encore, aider ses amis, ne concèdes-tu pas que ce soit juste ?

Évidemment.

En ne les trompant pas, ou en les trompant, si c’est pour leur intérêt ?

Même en les trompant, par Zeus.

Il est donc juste de leur être utile en les trompant. Mais pas en mentant, ou même en mentant ?

Même en mentant, c’est juste.

D’où il est manifeste que mentir et dire la vérité est à la fois juste et injuste.

Oui.

De même ne pas tromper et tromper sont juste et injuste

C’est manifeste.

De même, nuire et rendre service est juste et injuste.

    afin de se concilier la faveur du public. Le même proverbe aurait été rappelé par Solon dans ses Élégies et par Philochoros, dans son Livre I des Atthides. Au livre II de la République, Platon s’élève contre les mensonges des poètes concernant les légendes des dieux (381 c, d).

  1. Cette théorie relativiste de la justice est exposée par le Socrate des Mémorables (IV, 2, 13 et suiv.), mais ce n’est point du tout la doctrine du Socrate platonicien, qui refuse de regarder comme juste un acte nuisible à qui que ce soit, ami ou ennemi (Républ. I, 332 d-336. Voir la conclusion de tout le débat à propos de la parole de Simonide, 335 e. Cf. également la protestation du Criton, 49 a et suiv.).