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DU JUSTE

Le médecin.

bParce qu’il sait, ou pour une autre raison ?

Parce qu’il sait.

Et qui peut à propos bêcher, labourer, planter ?

L’agriculteur.

Parce qu’il sait, oui ou non ?

Parce qu’il sait.

N’en est-il pas ainsi de toute chose ? Celui qui sait est capable de faire ce qu’il faut, quand il le faut et au moment propice, et celui qui ne sait pas en est incapable ?

Il en est ainsi.

Et alors, pour ce qui est de mentir, de tromper, de rendre service, celui qui sait est capable d’accomplir toutes ces actions quand c’est à propos cet au moment propice : celui qui ne sait pas, non[1] ?

Tu dis vrai.

Donc celui qui fait tout cela à propos est juste ?

Oui.

Et c’est grâce à la science qu’il fait tout cela.

Sans aucun doute.

C’est donc par la science qu’est juste celui qui est juste.

Oui.

Mais l’injuste, n’est-ce pas par le contraire du juste qu’il est injuste ?

Il le semble.

Or, le juste est juste par la sagesse.

Oui.

C’est donc par l’ignorance que l’injuste est injuste.

Apparemment.

Il y a donc toute chance pour que cette sagesse que nous ont léguée nos ancêtres, ce soit la justice[2], et que le nom d’ignorance recouvre dl’injustice.

  1. Voir dans Alcibiade II (145 a, b) la définition du φρόνιμος : celui qui sait quand, comment et dans quelle mesure il convient d’agir. Toutes ces déter­minations concrètes ont passé dans la notion morale de μεσότης élaborée par Aristote : τὸ δ’ ὅτε δεῖ καὶ ἐφ’ οἷς καὶ πρὸς οὒς καὶ οὖ ἕνεκα καὶ ὡς δεῖ, μέσον τε καὶ ἄριστον, ὅπερ ἐστὶ τῆς ἀρετῆς (Eth. Nicom. Β, 5, 1106 b, 21 et suiv. Voir Γ, 10, 1115 b, 7).
  2. Sur l’identification de la justice et de la σοφία, cf. Platon, Républ. I, 350 c et Xénophon, Mémorables III, 9, 5.