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DE LA VERTU

l’éducation de son fils, mais qu’il n’ait pas cherché, dans la science propre où lui-même excellait, à le rendre meilleur que le dernier de ses voisins, dsi la vertu peut s’enseigner ?

Ce n’est pas vraisemblable.

Voilà donc ce que fut le maître de vertu dont tu parlais. Mais passons à un autre : Aristide, qui a élevé Lysimaque[1], et lui a fait donner la plus brillante éducation par tout ce qu’il pouvait y avoir de maîtres à Athènes, ne l’a cependant pas rendu meilleur que n’importe qui, car celui-là, toi et moi, l’avons connu et fréquenté.

Oui.

Tu sais que Périclès également a élevé ses fils Paralos et Xantippe, et je crois bien que tu étais épris du second. Or, de ces jeunes gens, comme tu le sais, eil fit des cavaliers qui ne le cédaient à aucun Athénien ; il leur fit apprendre la musique et tous les autres exercices, en un mot tous les arts qui peuvent s’enseigner, de sorte qu’ils n’étaient inférieurs à personne. Ne voulut-il donc pas en faire des hommes de bien[2] ?

Ils le seraient peut-être devenus, Socrate, s’ils n’étaient morts jeunes.

Comme il est juste, tu viens au secours de ton bien-aimé, mais si la vertu pouvait s’enseigner et s’il eût été capable de faire de ses fils des hommes de bien, Périclès aurait commencé par leur apprendre sa propre vertu, plutôt que la musique ou les autres exercices. Mais il paraît qu’elle n’est pas de nature à être enseignée, 378puisque Thucydide, de son côté, a élevé deux fils, Mélèsias et Stéphanos[3], et tu ne pourrais dire en leur faveur ce que tu disais des fils de Périclès : l’un des deux, tu le sais, est arrivé au seuil de la vieillesse et l’autre l’a dépassé. Or, sans aucun doute, leur père les a fait instruire parfaitement en toutes choses, et en particulier pour la lutte, de tous les Athéniens ils ont été les mieux formés : Xanthias fut le maître d’un des deux ; Eudore, celui de l’autre : ceux-ci passaient pour les plus habiles lutteurs de ce temps-là.

  1. Lysimaque est un des personnages du Lachès. Il se plaint de ce que son père ne s’est pas personnellement occupé de son éducation (179 c).
  2. Sur les fils de Périclès, cf. Protagoras, 319 e, 320 a ; Alcibiade I, 118 e.
  3. Les deux fils de Thucydide sont également mentionnés dans Ménon, 94 c, et Mélèsias est, avec Lysimaque, un des interlocuteurs