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DE LA VERTU

aucun mal dans les combats et n’encourent aucun autre danger, mais que, mis en réserve pour la ville, ils soient gardiens et bienfaiteurs quand l’âge sera venu. Mais je crains fort que ni la nature ni l’enseignement ne communiquent aux hommes la vertu.

Comment donc Socrate, à ton avis, l’obtiendront-ils, si ce n’est ni par la nature, ni par l’enseignement ? Quel autre moyen aurait-on cde devenir bon ?

Ce n’est pas facile, je crois, de le montrer ; je soupçonne toutefois que c’est surtout une sorte de don divin et qu’il en est des gens de bien comme des plus remarquables parmi les devins et les diseurs d’oracles. Ce n’est point la nature qui rend tels ces derniers, ni l’art non plus, mais par une inspiration des dieux ils deviennent ce qu’ils sont. Ainsi de même, les hommes de bien prédisent aux cités, par une inspiration divine, tout ce qui doit se produire, dtout ce qui doit arriver, et cela bien mieux et plus clairement que les diseurs d’oracles. Les femmes emploient cette expression : un tel est un homme divin, et les Lacédémoniens, pour louer magnifiquement quelqu’un, l’appellent un homme divin. Homère emploie souvent ce terme, ainsi que les autres poètes. Quand Dieu veut le bonheur d’une cité, il y suscite des hommes de bien ; si cette ville doit, au contraire, être malheureuse, Dieu lui supprime ces hommes-là. Ainsi, semble-t-il, ni l’enseignement, ni la nature ne donnent la vertu, mais c’est par une grâce divine qu’elle survient à ceux qui la possèdent.