Évidemment, répondit-il.
Que lui reproches-tu donc ?
Son tort est qu’avant tout examen, il croit tout de suite n’importe qui.
386Mais si c’est très tard qu’avant tout examen il donne sa créance, n’aurait-il pas tort ?
Oui certes, par Zeus, même ainsi son tort ne serait pas moindre : j’estime qu’il ne faut pas se fier aux premiers venus.
Si tu estimes qu’il ne faut pas se fier aux premiers venus, comment conviendrait-il aussi de se fier aussitôt à des inconnus ? Ne penses-tu pas qu’on doive d’abord examiner s’ils disent la vérité ?
Oui certes, dit-il.
Alors qu’il s’agit de nos proches et de nos amis, il n’y aurait pas lieu d’examiner s’ils disent la vérité ?
Je serais porté à l’affirmer, répondit-il.
C’est qu’il y en a peut-être, même parmi eux, qui affirment des choses peu dignes de foi.
C’est très vrai.
Pourquoi donc est-il plus raisonnable de se fier à ses proches et à ses amis bqu’aux premiers venus[1] ?
Je ne saurais le dire, répondit-il.
Eh quoi ! si on doit se fier davantage à ses proches et à ses amis qu’aux premiers venus, n’est-ce pas qu’il faut les juger aussi plus dignes de foi[2] que ces derniers ?
Comment non ?
Si donc, pour les uns, ils se trouvent être des proches ; pour les autres, des inconnus, comment ne pas regarder les mêmes hommes comme étant plus et moins dignes de foi ?
- ↑ La difficulté proposée sera la suivante : vaut-il mieux se fier à des parents ou à des amis, bien que peut-être ils n’aient pas la science nécessaire, plutôt qu’à des inconnus qui savent ce dont ils parlent (Voir la conclusion, 386 c) ? Une aporie du même genre est signalée par Aristote dans sa Réfutation des raisonnements sophistiques : Ἔνια δὲ τῶν ἐρωτημάτων ἔχει ἀμφοτέρως ἄδοξον εἶναι τὴν ἀπόκρισιν, οἷον πότερον τοῖς σοφοῖς ἢ τῷ πατρὶ δεῖ πείθεσθαι… (12, 173 a, 19).
- ↑ Burnet attribue à Schneider la conjecture οὐ καὶ πιστούς. En fait, elle se trouve déjà dans le Laurentianus 80, 17 (L) comme correction faite par une seconde main.