Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/203

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69b J’avais donc raison de dire qu’un homme peut faire dans un État ce qu’il lui plaît sans posséder pour cela un grand pouvoir ni faire ce qu’il veut.

POLOS

Comme si toi-même, Socrate, tu n’aimerais pas mieux avoir la liberté de faire dans l’État ce qui te plairait que d’en être empêché, et comme si, en voyant un homme tuer, dépouiller, mettre aux fers qui il lui plairait, tu ne lui portais pas envie !

SOCRATE

Entends‑tu qu’il agirait justement ou injustement ?

POLOS

De quelque manière qu’il agisse, ne serait‑il pas enviable dans un cas comme dans l’autre ?

SOCRATE

Ne parle pas ainsi, Polos.

POLOS

Pourquoi donc ?

SOCRATE

Parce qu’il ne faut pas envier les gens qui ne sont pas enviables, non plus que les malheureux, mais les prendre en pitié.

POLOS

Quoi ! Penses‑tu que les gens dont je parle soient dans ce cas ?

SOCRATE

Comment n’y seraient‑ils pas ?

POLOS

Alors quiconque tue qui il lui plaît, quand il le fait justement, te paraît être malheureux et digne de pitié ?

SOCRATE

Non pas, mais il ne me paraît pas enviable.

POLOS

Ne viens‑tu pas de dire qu’il était malheureux ?

SOCRATE

Je l’ai dit en effet, camarade, de celui qui a tué injus­tement, et j’ai ajouté qu’il était digne de pitié. Quant à celui qui tue justement, je dis qu’il ne doit point faire envie.

POLOS

469b-469d