Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/64

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— Je suis de ton avis, dit-il.

— Alors, la justice est la même chose qu’être juste ? Oui, répondrais-je à mon questionneur. Ne répondrais-tu pas de même ?

— Si, dit-il.

— S’il nous demandait ensuite : Ne dites-vous pas qu’il y a aussi une sainteté ? nous répondrions oui, je suppose ?

— Sans doute, répondit-il.

— Ne dites-vous pas que cette sainteté aussi est quelque chose ? Nous le reconnaîtrions, n’est-ce pas ?

Il en tomba d’accord aussi.

— Mais à votre avis, cette sainteté est-elle en soi la même chose qu’être impie ou qu’être saint ? Je me fâcherais, moi, d’une telle question, et je répondrais : Parle mieux, l’ami. Il n’y aurait vraiment plus rien de saint, si la sainteté même n’était pas sainte. Et toi, ne répondrais-tu pas comme moi ?

— Absolument comme toi, dit-il.

XIX. — Si, continuant ses questions, il nous disait : Comment disiez-vous donc tout à l’heure ? Vous ai-je mal entendus ? Vous disiez, si je ne me trompe, que les parties de la vertu ont entre elles des rapports tels qu’aucune ne ressemble aux autres ; je lui répondrais pour ma part : Pour ce qui a été dit, tu l’as bien entendu ; mais quant à croire que c’est moi qui l’ai dit, tu as mal entendu. C’est Protagoras qui a fait cette réponse ; moi, je ne faisais qu’interroger. S’il reprenait : Socrate dit-il la vérité, Protagoras ? est-ce toi qui affirmes qu’aucune des parties de la vertu ne ressemble aux autres ? est-ce bien cela que tu soutiens ? que lui répondrais-tu ?

— Force me serait d’avouer, Socrate, dit-il.

— Et que pourrions-nous bien lui répondre, après cet aveu, Protagoras, s’il nous posait encore cette question : La sainteté n’est donc pas susceptible d’être une chose juste, ni la justice d’être une chose sainte, mais la justice est susceptible de n’être pas sainte, et la sainteté de n’être pas juste, c’est-à-dire que la sainteté peut être injuste, et la justice impie ? que lui répondrions-nous ? Pour mon compte personnel, je répondrais que la justice est sainte et la sainteté juste ; et pour ton compte aussi, avec ta permission, je répondrais de même qu’assurément la justice est la même chose que la sainteté ou qu’elle s’en rapproche aussi près que possible, que très certainement la justice est pareille à la sainteté et la sainteté à la justice ; mais vois si tu t’opposes à ce que je réponde ainsi, ou si tu partages mon opinion.

— La chose ne me paraît pas si simple, Socrate, répliqua-t-il, que je puisse t’accorder que la justice est sainte et la sainteté juste ; il me semble qu’il y a quelque différence