Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

RANGER|c}}

Les modérés recherchent des gens de leur humeur, et c’est parmi eux qu’ils prennent femme, s’ils le peuvent, et à eux qu’ils donnent leurs filles en mariage. Ceux de la race énergique font de même : ils recherchent une nature semblable à la leur, alors que l’une et l’autre race devraient faire tout le contraire.

SOCRATE LE JEUNE

Comment et pourquoi ?

L’ÉTRANGER

Parce que la nature du tempérament fort est telle que, lorsqu’il se reproduit pendant plusieurs générations sans se mélanger au tempéré, il finit, après avoir été d’abord éclatant de vigueur, par dégénérer en véritables fureurs.

SOCRATE LE JEUNE

C’est vraisemblable.

L’ÉTRANGER

D’un autre côté, l’âme qui est trop pleine de réserve et qui ne s’allie pas à une mâle audace, après s’être transmise ainsi pendant plusieurs générations, devient nonchalante à l’excès et finit par devenir entièrement paralysée.

SOCRATE LE JEUNE

Cela encore est vraisemblable.

L’ÉTRANGER

Voilà les liens dont je disais qu’ils ne sont pas du tout difficiles à former, pourvu que ces deux races aient la même opinion sur le beau et sur le bien. Car toute la tâche du royal tisserand, et il n’en a pas d’autre, c’est de ne pas permettre le divorce entre les caractères tempérés et les caractères énergiques, de les ourdir ensemble, au contraire, par des opinions communes, des honneurs, des renommées, des gages échangés entre eux, pour en composer un tissu lisse et, comme on dit, de belle trame, et de leur conférer toujours en commun les charges de l’Etat.

SOCRATE LE JEUNE

Comment ?

L’ÉTRANGER

En choisissant, là où il ne faut qu’un seul chef, un homme qui réunisse ces deux caractères, et là où il en faut plusieurs, en faisant leur part à chacun d’eux. Les chefs d’humeur tempérée sont, en effet, très circonspects, justes et conservateurs ; mais il leur manque le mordant et l’activité hardie et prompte.