Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/403

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SOCRATE

N’avons-nous pas dit encore qu’il faudrait élever les enfants des bons et reléguer ceux des méchants dans les autres ordres de l’État, puis les observer sans cesse dans leur croissance, afin de faire revenir ceux qui en seraient dignes et d’envoyer à leur place ceux qui seraient indignes de rester parmi les bons ?

TIMÉE

C’est exact.

SOCRATE

Et maintenant n’avons-nous pas, en le reprenant sommairement, repassé ce que nous avons dit hier ? Ou avons-nous encore, cher Timée, à regretter quelque omission ?

TIMÉE

Non pas, c’est exactement cela que nous avons dit, Socrate.

SOCRATE

II. — Écoutez maintenant, à propos de l’État que j’ai décrit, quelle sorte de sentiment j’éprouve à son égard. Mon sentiment est à peu près celui d’un homme qui, ayant vu de beaux êtres vivants, soit représentés en peinture, soit réellement en vie, mais en repos, se prendrait à désirer de les voir entrer en mouvement et se livrer aux exercices qui paraissent convenir à leurs corps. Voilà précisément ce que j’éprouve à l’égard de l’État que j’ai dépeint. J’aurais plaisir à entendre raconter que ces luttes que soutient un État, il les affronte contre d’autres États, en marchant noblement au combat et se comportant pendant la guerre d’une manière qui réponde à l’instruction et à l’éducation des citoyens, soit dans l’action sur les champs de bataille, soit dans les négociations avec les autres États. Or sur ce terrain, Critias et Hermocrate, je me rends bien compte que je ne serai jamais capable de louer dignement de tels hommes et une telle république. Et pour ce qui est de moi, il n’y a pas là de quoi s’étonner ; mais je m’imagine qu’il en est de même des poètes, aussi bien de ceux d’aujourd’hui que de ceux d’autrefois. Ce n’est pas que je méprise le moins du monde la race des poètes ; mais il saute aux yeux que la tribu des imitateurs imitera très aisément et fort bien les choses au milieu desquelles elle a été élevée, et que ce qui est étranger à l’éducation qu’ils ont reçue est difficile à bien imiter par des actions, plus difficile encore par des discours. Quant à l’espèce des sophistes, je la tiens pour très experte en plusieurs sortes de discours et en d’autres belles choses, mais j’ai peur qu’errant comme ils le font de ville en ville