Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/410

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je serais bien surpris qu’il m’en fût échappé quelque chose. J’avais alors tant de plaisir, une telle joie d enfant à entendre le vieillard, et il me répondait de si bon coeur, tandis que je ne cessais de l’interroger, que son récit est resté fixé en moi, aussi indélébile qu’une peinture à l’encaustique. De plus, ce matin même, j’ai justement conté tout cela à nos amis, pour leur fournir à eux aussi des matières pour la discussion.

Et maintenant, car c’est à cela que tendait tout ce que je viens de dire, je suis prêt, Socrate, à rapporter cette histoire non pas sommairement, mais en détail, comme je l’ai entendue. Les citoyens et la cité que tu nous as représentés hier comme dans une fiction, nous allons les transférer dans la réalité ; nous supposerons ici que cette cité est Athènes et nous dirons que les citoyens que tu as imaginés sont ces ancêtres réels dont le prêtre a parlé. Entre les uns et les autres la concordance sera complète et nous ne dirons rien que de juste en affirmant qu’ils sont bien les hommes réels de cet ancien temps. Nous allons essayer tous, en nous partageant les rôles, d’accomplir aussi bien que nous le pourrons la tâche que tu nous as imposée. Reste à voir, Socrate, si ce sujet est à notre gré, ou s’il faut en chercher un autre à sa place.

SOCRATE

Et quel autre, Critias, pourrions-nous choisir de préférence à celui-là ? C’est celui qui convient le mieux, parce que c’est le mieux approprié au sacrifice qu’on offre en ce jour à la déesse, et le fait qu’il ne s’agit pas d’une fiction, mais d’une histoire vraie est d’un intérêt capital. Comment et où trouverons-nous d’autres sujets si nous rejetons celui-là ? Ce n’est pas possible. Parlez donc, et bonne chance à vos discours ! Pour moi, en échange de mes discours d’hier, j’ai droit à me reposer et à vous écouter à mon tour.

CRITIAS

Vois maintenant, Socrate, comment nous avons réglé le festin d’hospitalité que nous voulons t’offrir. Nous avons décidé que Timée, qui est le plus savant d’entre nous en astronomie et qui a fait de la nature du monde sa principale étude, serait le premier à parler, et qu’il commencerait par la formation de l’univers pour finir par la nature de l’homme. C’est moi qui prendrai la suite, et, après avoir reçu de ses mains l’humanité dont il aura décrit l’origine, et des tiennes certains hommes spécialement instruits par toi, je les ferai comparaître devant nous, comme devant des juges, et, suivant le récit et la législation de Solon, je ferai d’eux des citoyens de notre cité, les considérant comme ces Athéniens d’autrefois, dont la tradition des récits sacrés nous a révélé la dispa