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Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/415

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unique, parfait et inaccessible à la vieillesse et à la maladie.

Pour la forme, il lui a donné celle qui lui convenait et avait de l’affinité avec lui. Or la forme qui convenait à l’animal qui devait contenir en lui tous les animaux, c’était celle qui renferme en elle toutes les autres formes. C’est pourquoi le dieu a tourné le monde en forme de sphère, dont les extrémités sont partout à égale distance du centre, cette forme circulaire étant la plus parfaite de toutes et la plus semblable à elle-même, car il pensait que le semblable est infiniment plus beau que le dissemblable. En outre, il arrondit et polit toute sa surface extérieure pour plusieurs raisons. Il n’avait en effet besoin ni d’yeux, puisqu’il ne restait rien de visible en dehors de lui, ni d’oreilles, puisqu’il n’y avait non plus rien à entendre. Il n’y avait pas non plus d’air environnant qui exigeât une respiration. Il n’avait pas non plus besoin d’organe, soit pour recevoir en lui la nourriture, soit pour la rejeter, après en avoir absorbé le suc. Car rien n’en sortait et rien n’y entrait de nulle part, puisqu’il n’y avait rien en dehors de lui. L’art de son auteur l’a fait tel qu’il se nourrit de sa propre perte et que c’est en lui-même et par lui-même que se produisent toutes ses affections et ses actions. Celui qui l’a composé a pensé qu’il serait meilleur, s’il se suffisait à lui-même, que s’il avait besoin d’autre chose. Quant aux mains, qui ne lui serviraient ni pour saisir ni pour repousser quoi que ce soit, il jugea qu’il était inutile de lui en ajouter, pas plus que des pieds ou tout autre organe de locomotion. Il lui attribua un mouvement approprié à son corps, celui des sept mouvements 100 qui s’ajuste le mieux à l’intelligence et à la pensée. En conséquence, il le fit tourner uniformément sur lui-même à la même place et c’est le mouvement circulaire qu’il lui imposa ; pour les six autres mouvements, il les lui interdit et l’empêcha d’errer comme eux. Comme il n’était pas besoin de pieds pour cette rotation, il l’enfanta sans jambes et sans pieds.

C’est par toutes ces raisons que le dieu qui est toujours, songeant au dieu qui devait être un jour, en fit un corps poli, partout homogène, équidistant de son centre, complet, parfait, composé de corps parfaits. Au centre, il mit une âme ; il l’étendit partout et en enveloppa même le corps à l’extérieur. Il forma de la sorte un ciel circulaire et qui se meut en cercle, unique et solitaire, mais capable, en raison de son excellence, de vivre seul avec lui-même, sans avoir besoin de personne autre, et, en fait de connaissances et d’amis, se suffisant à lui-même. En lui donnant toutes ces qualités il engendra un dieu bienheureux.

Mais cette âme, dont nous entreprenons de parler après le corps, ne fut pas formée par le dieu après le corps ;