Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/437

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dans la construction de chacun des deux éléments. Les deux triangles construits au début ne furent pas d’une grandeur unique : il y en eut de grands et de petits, en aussi grand nombre qu’il y a d’espèces dans chaque genre. C’est pourquoi, lorsque ces triangles se mêlent entre eux et les uns avec les autres, il en résulte une variété infinie, qu’il faut étudier si l’on veut discourir de la nature avec vraisemblance.

En ce qui regarde le mouvement et le repos, de quelle manière et dans quelles conditions se produisent-ils ? Si l’on ne s’entend pas là-dessus, bien des difficultés se mettront en travers du raisonnement qui va suivre. Nous avons déjà touché ce sujet ; il faut encore en dire ceci : c’est que le mouvement ne consentira jamais à se trouver dans ce qui est homogène. Car il est difficile ou, pour mieux dire, impossible qu’il y ait une chose mue sans moteur ou un moteur sans une chose mue. Il n’y a pas de mouvement quand ces deux choses manquent, et il est impossible qu’elles soient jamais homogènes. Plaçons donc toujours le repos dans ce qui est homogène et le mouvement dans ce qui est hétérogène. Et la cause de la nature hétérogène est l’inégalité. Nous avons déjà indiqué l’origine de l’inégalité ; mais nous n’avons pas expliqué comment il se fait que les éléments, qui ont été séparés suivant leurs espèces, ne cessent pas de se mouvoir et de se traverser les uns les autres. Nous allons reprendre notre explication comme il suit. Le circuit de l’univers comprenant en lui les diverses espèces est circulaire et tend naturellement à revenir sur lui-même ; aussi comprime-t-il tous les corps et il ne permet pas qu’il reste aucun espace vide. De là vient que le feu principalement s’est infiltré dans tous les corps, et, en second lieu, l’air, parce qu’il occupe naturellement le second rang pour la ténuité, et de même pour les autres éléments. Car les corps composés des particules les plus grandes laissent le plus grand vide dans leur arrangement, et les plus petits le plus petit. Or la compression qui resserre les corps pousse les petits dans les intervalles des grands. Alors les petits se trouvant à côté des grands, et les plus petits divisant les plus grands et les plus grands forçant les plus petits à se combiner, tous se déplacent, soit en haut, soit en bas, pour gagner la place qui leur convient ; car, en changeant de dimension, chacun change aussi de position dans l’espace. C’est ainsi et par ces moyens que se maintient la perpétuelle naissance de la diversité qui cause maintenant et causera toujours le mouvement incessant de ces corps.

Il faut ensuite observer qu’il y a plusieurs espèces de feu, par exemple la flamme, puis ce qui s’échappe de la flamme, et, sans brûler, procure la lumière aux yeux, et ce qui reste du feu dans les corps en ignition, lorsque la flamme s’est éteinte. De même dans l’air il y a l’espèce