Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/441

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et de l’âme, et que traiter des deux choses à la fois est à peu près impossible. Il faut donc admettre l’une des deux comme démontrée, et revenir plus tard à celle que nous aurons admise. Présupposons donc ce qui regarde le corps et l’âme, afin de traiter des impressions immédiatement après les espèces qui les produisent.

En premier lieu, pourquoi disons-nous que le feu est chaud ? Pour étudier la question, observons l’action tranchante et coupante du feu sur nos corps. Que l’impression qu’il cause soit quelque chose d’acéré, j’imagine que nous le sentons tous. Pour nous rendre compte de la finesse de ses arêtes, de l’acuité de ses angles, de la petitesse de ses parties, de la rapidité de son mouvement, toutes propriétés qui le rendent violent et tranchant et grâce auxquelles il coupe vivement tout ce qu’il rencontre, il faut nous remémorer comment sa figure s’est formée, et nous verrons que sa nature est plus capable que toute autre de diviser et de réduire les corps en menus morceaux, et que c’est elle qui a naturellement donné à ce que nous appelons chaud son impression sensible et son nom.

L’impression contraire à celle de la chaleur est assez claire : néanmoins nous ne laisserons pas d’en parler. Des liquides qui entourent notre corps, ceux qui ont les particules les plus grandes, pénétrant en lui, refoulent ceux qui ont les particules les plus petites ; mais comme ils ne peuvent se glisser à leurs places, ils compriment l’humidité qui est en nous et, d’hétérogène et mobile qu’elle était, ils la rendent immobile en la faisant homogène, et la coagulent en la comprimant. Mais un corps comprimé contrairement à sa nature se défend naturellement en se poussant lui-même en sens contraire. A cette lutte et à ces secousses on a donné le nom de tremblement et de frisson, et l’ensemble de ces impressions et l’agent qui les produit ont reçu celui de froid.

Dur est le terme appliqué aux objets auxquels notre chair cède, et mou indique ceux qui cèdent à notre chair, et les mêmes termes s’appliquent aux objets à l’égard les uns des autres. Ceux-là cèdent qui reposent sur une petite base ; au contraire, ceux qui ont des bases quadrangulaires et sont par là solidement assis forment l’espèce la plus résistante, et il faut y comprendre tout ce qui, étant d’une composition très dense, est très rigide.

Pour le lourd et le léger, c’est en les considérant en même temps que la nature de ce qu’on appelle le haut et le bas qu’on les expliquera le plus clairement. Qu’il y ait naturellement deux régions opposées qui partagent l’univers en deux, l’une étant le bas, vers lequel tombe tout ce qui a une certaine masse corporelle, et l’autre le haut, où rien ne s’élève que par force, c’est une erreur complète de le croire. En effet, le ciel étant complètement sphérique, tous les points qui, étant à égale distance du centre, sont