Aller au contenu

Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/455

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pendant l’hiver, sans entraver ni gêner en rien la sensibilité.

En outre, à la place où les nerfs, la peau et les os ont été entrelacés dans nos doigts, un composé de ces trois substances, en se desséchant, devint une seule peau dure qui les contient toutes. Elle fut façonnée par les causes auxiliaires que nous avons dites, mais achevée, et ce fut là la cause essentielle, en vue des créatures qui devaient exister par la suite. Ceux qui nous construisaient savaient qu’un jour les femmes et les bêtes naîtraient des hommes ; ils savaient en particulier que parmi les créatures beaucoup auraient besoin de griffes pour maint usage. C’est pour cela qu’ils ébauchèrent chez les hommes dès leur naissance la formation des ongles. C’est dans ce dessein et pour ces raisons qu’ils firent pousser à l’extrémité des membres la peau, les cheveux et les ongles.

Lorsque toutes les parties et tous les membres de l’animal mortel eurent été réunis en un tout, il se trouva que cet animal devait nécessairement vivre dans le feu et dans l’air. Aussi fondu et vidé par eux, il dépérissait, quand les dieux imaginèrent pour lui un réconfort. Mêlant à d’autres formes et à d’autres sens une substance parente de la substance humaine, ils donnèrent ainsi naissance à une autre sorte d’animaux. Ce sont les arbres, les plantes et les graines, aujourd’hui domestiqués et éduqués par la culture, qui se sont apprivoisés avec nous. Auparavant il n’y avait que les espèces sauvages, qui sont plus anciennes que les espèces cultivées. Tout ce qui participe à la vie mérite fort justement le nom d’animal ; et ce dont nous parlons en ce moment participe de la troisième espèce d’âme, celle dont nous avons marqué la place entre le diaphragme et le nombril, qui n’a aucune part à l’opinion, au raisonnement, à l’intelligence, mais seulement à la sensation agréable et désagréable, ainsi qu’aux appétits. En effet le végétal est toujours passif, et sa formation ne lui a pas permis, en tournant en lui-même et sur lui-même, en repoussant le mouvement extérieur et usant seulement du sien propre, de raisonner sur rien de ce qui le concerne et d’en discerner la nature. Il vit donc à la manière d’un animal, mais il est fixé au sol, immobile et enraciné, parce qu’il est privé du pouvoir de se mouvoir par lui-même.

Quand nos supérieurs eurent planté toutes ces espèces pour nous servir de nourriture à nous, leurs sujets, ils creusèrent des canaux au travers de notre corps même, comme on fait des conduits dans les jardins, afin qu’il fût arrosé comme par le cours d’un ruisseau. Tout d’abord, sous la jointure de la peau et de la chair, ils creusèrent des canaux cachés, deux veines dorsales, parce que le corps se trouvait double, avec un côté droit et un côté gauche ; puis ils les firent descendre le long de l’épine dorsale, gardant entre elles la moelle génératrice, afin qu’elle fût aussi vigoureuse que possible et que l’écoulement, sui-