Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/467

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cas d’extrême nécessité, mais qu’un homme de bon sens ne doit pas admettre autrement, c’est la purgation médicale obtenue par des drogues ; car lorsque les maladies ne présentent pas de grands dangers, il ne faut pas les irriter par des médecines. La nature des maladies ressemble en quelque manière à celle des êtres vivants. La constitution des êtres vivants comporte en effet des temps de vie réglés pour toute l’espèce, et chaque individu naît avec un temps de vie fixé par le destin, à part les accidents inévitables, car, dès la naissance de chacun, ses triangles sont constitués de manière à pouvoir tenir jusqu’à un certain temps, au-delà duquel personne ne peut prolonger sa vie. Il en est de même de la constitution des maladies : si on la dérange par des drogues en dépit du temps prédestiné, il en résulte d’ordinaire que de légères maladies deviennent graves et que leur nombre s’accroît. C’est pourquoi il faut diriger toutes les maladies par un régime, autant qu’on en a le loisir, et ne pas irriter par des médecines un mal réfractaire.

Sur l’animal complexe et sa partie corporelle, sur la façon dont il faut qu’un homme la dirige et s’en laisse diriger pour mener la vie la plus conforme à la raison, je me bornerai à ce que je viens de dire. Mais le point le plus important et le plus pressant, c’est d’appliquer toutes ses forces à rendre la partie destinée à gouverner aussi belle et bonne que possible, en vue de son office de gouvernante. Le traitement détaillé de cette question fournirait à soi seul la matière d’un ouvrage à part ; mais il n’est pas hors de propos de la traiter incidemment, suivant les principes établis précédemment, et de conclure ainsi notre discours par les observations suivantes. Nous avons dit souvent qu’il y a en nous trois espèces d’âmes logées en trois endroits différents et qu’elles ont chacune leurs mouvements séparés. Il nous faut dire de même à présent, d’une manière aussi brève que possible, que, si l’une d’elles reste oisive et n’exerce pas les mouvements qui lui sont propres, elle devient nécessairement très faible, et que celle qui s’exerce devient très forte. Il faut donc veiller à ce que leurs mouvements soient proportionnés les uns aux autres. De l’espèce d’âme qui a la plus haute autorité en nous, voici l’idée qu’il faut s’en faire : c’est que Dieu nous l’a donnée comme un génie, et c’est le principe que nous avons dit logé au sommet de notre corps, et qui nous élève de la terre vers notre parenté céleste, car nous sommes une plante du ciel, non de la terre, nous pouvons l’affirmer en toute vérité. Car Dieu a suspendu notre tête et notre racine à l’endroit où l’âme fut primitivement engendrée et a ainsi dressé tout notre corps vers le ciel. Or, quand un homme s’est livré tout entier à ses passions ou à ses ambitions et applique tous ses efforts à les satisfaire, toutes ses pensées deviennent