Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/482

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HERMOCRATE

Cet avertissement-là, Socrate, s’adresse à moi aussi bien qu’à Critias. Après tout, jamais des lâches n’ont élevé de trophée, Critias. Il te faut donc aborder bravement ton sujet, et, après avoir invoqué Apollon et les Muses, nous faire connaître et chanter la vertu de tes concitoyens d’autrefois.

CRITIAS

Mon cher Hermocrate, tu es au second rang, avec un autre devant toi : voilà pourquoi tu fais encore le brave, mais tu sauras bientôt si la tâche est facile. Quoi qu’il en soit, il faut obéir à tes exhortations et à tes encouragements, et, outre les dieux que tu viens de nommer, appeler aussi les autres à mon aide et particulièrement Mnémosyne. Car on peut dire que tout ce qu’il y a de plus important dans mon sujet dépend d’elle. Si, en effet, je puis me rappeler suffisamment et vous rapporter les discours tenus autrefois par les prêtres et apportés ici par Solon, je suis à peu près sûr que cette assemblée sera d’avis que j’ai bien rempli ma tâche. C’est ce que j’ai à faire à présent et sans plus tarder.

Avant tout, rappelons-nous qu’en somme il s’est écoulé neuf mille ans depuis la guerre qui, d’après les révélations des prêtres égyptiens, éclata entre les peuples qui habitaient au-dehors par-delà les colonnes d’Héraclès et tous ceux qui habitaient en deçà. C’est cette guerre qu’il me faut maintenant raconter en détail. En deçà, c’est notre ville, dit-on, qui eut le commandement et soutint toute la guerre ; au-delà, ce furent les rois de l’île Atlantide, île qui, nous l’avons dit, était autrefois plus grande que la Libye et l’Asie, mais qui, aujourd’hui, engloutie par des tremblements de terre, n’a laissé qu’un limon infranchissable, qui barre le passage à ceux qui cinglent d’ici vers la grande mer. Quant aux nombreux peuples barbares et à toutes les tribus grecques qui existaient alors, la suite de mon discours, en se déroulant, si je puis dire, les fera connaître au fur et à mesure qu’il les rencontrera ; mais il faut commencer par les Athéniens de ce temps-là et par les adversaires qu’ils eurent à combattre et décrire les forces et le gouvernement des uns et des autres. Et entre les deux, c’est à celui de notre pays qu’il faut donner la priorité.

Autrefois les dieux se partagèrent entre eux la terre entière, contrée par contrée et sans dispute ; car il ne serait pas raisonnable de croire que les dieux ignorent ce qui convient à chacun d’eux, ni que, sachant ce qui convient mieux aux uns, les autres essayent de s’en emparer à la faveur de la discorde [3] . Ayant donc obtenu dans ce juste partage le lot qui leur convenait, ils peuplèrent chacun leur contrée, et, quand