Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/491

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autres, et le canal et le plus grand port étaient remplis de vaisseaux et de marchands venus de tous les pays du monde et de leur foule s’élevaient jour et nuit des cris, du tumulte et des bruits de toute espèce.

Je viens de vous donner un rapport assez fidèle de ce que l’on m’a dit jadis de la ville et du vieux palais. A présent il me faut essayer de rappeler quel était le caractère du pays et la forme de son organisation. Tout d’abord, on m’a dit que tout le pays était très élevé et à pic sur la mer, mais que tout autour de la ville s’étendait une plaine qui l’entourait et qui était elle-même encerclée de montagnes descendant jusqu’à la mer ; que sa surface était unie et régulière, qu’elle était oblongue en son ensemble, qu’elle mesurait sur un côté trois mille stades et à son centre, en montant de la mer, deux mille. Cette région était, dans toute la longueur de l’île, exposée au midi et à l’abri des vents du nord. On vantait alors les montagnes qui l’entouraient, comme dépassant en nombre, en grandeur et en beauté toutes celles qui existent aujourd’hui. Elles renfermaient un grand nombre de riches villages peuplés de périèques [13] , des rivières, des lacs et des prairies qui fournissaient une pâture abondante à tous les animaux domestiques et sauvages et des bois nombreux et d’essences variées amplement suffisants pour toutes les sortes d’ouvrages de l’industrie.

Or cette plaine avait été, grâce à la nature et aux travaux d’un grand nombre de rois au cours de longues générations, aménagée comme je vais dire. Elle avait la forme d’un quadrilatère généralement rectiligne et oblong ; ce qui lui manquait en régularité avait été corrigé par un fossé creusé sur son pourtour. En ce qui regarde la profondeur, la largeur et la longueur de ce fossé, il est difficile de croire qu’il ait eu les proportions qu’on lui prête, si l’on considère que c’était un ouvrage fait de main d’homme, ajouté aux autres travaux. Il faut cependant répéter ce que nous avons ouï dire : il avait été creusé à la profondeur d’un plèthre, sa largeur était partout d’un stade, et, comme sa longueur embrassait toute la plaine, elle montait à dix mille stades. Il recevait les cours d’eau qui descendaient des montagnes, faisait le tour de la plaine, aboutissait à la ville par ses deux extrémités, d’où on le laissait s’écouler dans la mer. De la partie haute de la ville partaient des tranchées d’environ cent pieds de large, qui coupaient la plaine en ligne droite et se déchargeaient dans le fossé près de la mer ; de l’une à l’autre il y avait un intervalle de cent stades. Elles servaient au flottage des bois descendus des montagnes vers la ville et au transport par bateaux des autres productions de chaque saison, grâce à des canaux qui partaient des tranchées et les faisaient communiquer obliquement les unes avec les autres et avec la ville. Notez qu’il y avait tous les ans deux récoltes, parce que