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Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/493

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taureau, puis, remplissant de vin un cratère, ils y jetaient au nom de chacun d’eux un caillot de sang et portaient le reste dans le feu, après avoir purifié le pourtour de la colonne. Puisant ensuite dans le cratère avec des coupes d’or, ils faisaient une libation sur le feu en jurant qu’ils jugeraient conformément aux lois inscrites sur la colonne et puniraient quiconque les aurait violées antérieurement, qu’à l’avenir ils n’enfreindraient volontairement aucune des prescriptions écrites et ne commanderaient et n’obéiraient à un commandement que conformément aux lois de leur père. Lorsque chacun d’eux avait pris cet engagement pour lui-même et sa descendance, il buvait et consacrait sa coupe dans le temple du dieu ; puis il s’occupait du dîner et des cérémonies nécessaires. Quand l’obscurité était venue et que le feu des sacrifices était refroidi, chacun d’eux revêtait une robe d’un bleu sombre de toute beauté, puis ils s’asseyaient à terre dans les cendres du sacrifice où ils avaient prêté serment, et, pendant la nuit, après avoir éteint tout le feu dans le temple, ils étaient jugés ou jugeaient, si quelqu’un en accusait un autre d’avoir enfreint quelque prescription. Leurs jugements rendus, ils les inscrivaient, au retour de la lumière, sur une table d’or, et les dédiaient avec leurs robes, comme un mémorial. Il y avait en outre beaucoup d’autres lois particulières relatives aux prérogatives de chacun des rois, dont les plus importantes étaient de ne jamais porter les armes les uns contre les autres, de se réunir pour se prêter main-forte, dans le cas où l’un d’eux entreprendrait de détruire l’une des races royales dans son État, de délibérer en commun, comme leurs prédécesseurs, sur les décisions à prendre touchant la guerre et les autres affaires, mais en laissant l’hégémonie à la race d’Atlas. Le roi n’était pas maître de condamner à mort aucun de ceux de sa race, sans l’assentiment de plus de la moitié des dix rois.

Telle était la formidable puissance qui existait alors en cette contrée, et que le dieu assembla et tourna contre notre pays, pour la raison que voici. Pendant de nombreuses générations, tant que la nature du dieu se fit sentir suffisamment en eux, ils obéirent aux lois et restèrent attachés au principe divin auquel ils étaient apparentés. Ils n’avaient que des pensées vraies et grandes en tout point, et ils se comportaient avec douceur et sagesse en face de tous les hasards de la vie et à l’égard les uns des autres. Aussi, n’ayant d’attention qu’à la vertu, faisaient-ils peu de cas de leurs biens et supportaient-ils aisément le fardeau qu’était pour eux la masse de leur or et de leurs autres possessions. Ils n’étaient pas enivrés par les plaisirs de la richesse et, toujours maîtres d’eux-mêmes, ils ne s’écartaient pas de leur devoir. Tempérants comme ils étaient, ils voyaient nettement que tous ces biens aussi s’accroissaient par l’affection mutuelle unie à la vertu, et que, si