Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T1 - 1848.djvu/511

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XXXVI. (XVIII.) [1] Cette myrrhe de l’Inde est donc plutôt un mastic. Le mastic provient aussi d’un autre végétal épineux de l’Inde et de l’Arabie ; ce végétal s’appelle lama. Mais il y a aussi deux espèces de mastics : en effet, on trouve en Asie et eu Grèce une herbe dont les feuilles naissent de la racine (XXI, 56), et qui porte un chardon semblable à une pomme, et rempli de graines ; une incision faite à la partie supérieure donne issue à un liquide en larmes qu’on peut à peine distinguer du vrai mastic (atractylis gammifera). Une troisième espèce existe encore dans le Pont (XIV, 25) ; elle ressemble davantage au bitume. Le plus estimé est le mastic blanc de Chios ; le prix en est de 20 deniers la livre (16 fr. 40) ; le noir se vend douze deniers (9 fr. 84). On dit que le mastic de Chios vient, en forme de gomme, du lentisque (pistacia lentiscus, L.) ; on le falsifie, comme l’encens, avec de la résine.

XXXVII. [1] L’Arabie se glorifie encore du ladanum. Plusieurs auteurs ont rapporté que cette substance est le produit d’un hasard et d’un mal fait à l’arbre odorant (cistus ladaniferus, L.) : ils ont dit que les chèvres, animal qui, toujours nuisible au feuillage, est encore plus friand des feuillages odorants, comme si elles en connaissaient la valeur, font tomber avec le poil malfaisant de leur barbe les bourgeons gonflés d’une liqueur douce ; que le suc qui en découle s’attache aux poils par une adhérence fortuite, s’agglomère par la poussière et se cuit par le soleil ; que pour cette raison on trouve des poils de chèvre dans le ladanum ; on ajoute que le pays des Nabatéens (VI, 32), qui sont les Arabes limitrophes de la Syrie, produit seul cette substance.

[2] Les auteurs modernes l’appellent strobon, et disent qu’en Arabie les chèvres en broutant font du dégât dans les forêts, et qu’ainsi le suc s’attache à leur poil ; mais que le vrai ladanum provient de l’île de Chypre (j’en fais mention pour parler de toutes les espèces de parfums et sans suivre l’ordre des pays) ; que ce ladanum de Chypre se forme, il est vrai, de la même manière ; que c’est une espèce de suint qui s’attache aux barbes et aux genoux velus des boucs ; mais qu’il provient de la fleur du lierre broutée par ces animaux le matin, au moment où l’île de Chypre est couverte de rosée ; qu’ensuite, le brouillard ayant été dissipé par le soleil, la poussière adhère aux poils humides, ce qui forme le ladanum, qu’on enlève à l’aide d’un peigne.

[3] Des auteurs appellent Léda le végétal de l’île de Chypre qui produit cette substance (aussi écrivent-ils ledanum) ; ils disent qu’une substance visqueuse s’y dépose, et qu’à l’aide de ficelles roulées autour de la plante et tirées on recueille cette substance, dont on fait aussi des pains. De la sorte, eu Chypre comme en Arabie, deux espèces de ladanum, l’un terreux et l’autre artificiel ; le terreux est friable, l’artificiel est gluant.

On dit encore que le ladanum est le produit d’un arbrisseau de la Carmanie transplanté par les Ptolémées au delà de l’Égypte. Selon d’autres, l’arbre à encens donne aussi le ladanum ; on le récolte comme la gomme, en incisant l’écorce, et on le reçoit sur des peaux de chèvres. Le plus estimé se vend 40 as (2 fr.) la livre. On le falsifie avec des baies de myrte et des saletés prises sur d’autres animaux que la chèvre. Le ladanum pur doit avoir une odeur sauvage, et sentant pour ainsi dire le désert ; sec à la vue, il s’amollit dès qu’on le touche ; allumé, il brille, et répand une odeur agréable. Les baies de myrte s’y reconnaissent, le feu les faisant éclater. En outre, le ladanum pur contient plutôt de petits cailloux que do la poussière.