Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/101

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mauvais prince est le signe assuré qu’il a un imitateur dans le prince qui gouverne.

LIV- Quel était le lieu où n’eût pénétré un malheureux esprit d’adulation ? Les jeux même et les spectacles s’emparaient du nom des empereurs ; on dansait leur éloge ; des voix, des airs, des gestes efféminés le pliaient à toutes les formes d’une avilissante bouffonnerie. Honteux rapprochement ! le prince était loué à la même heure dans le sénat et sur la scène, par un histrion et par un consul ! Vous avez repoussé loin de vous ces hommages de théâtre. Aussi des muses sérieuses et l’éternel témoignage de nos annales célébreront votre gloire, bien mieux que ces louanges d’un moment et ces ignobles flatteries. Que dis-je ? le théâtre entier se lèvera par vénération pour vous, avec un empressement d’autant plus unanime que la scène gardera sur vous un plus profond silence. Mais à quels objets s’arrête mon admiration, lorsque vous touchez avec tant de réserve aux honneurs même qui vous sont offerts par nous, et que souvent vous les refusez tout à fait ? Avant vous, il ne se traitait pas dans le sénat une affaire si vulgaire, si petite, que tout sénateur appelé à dire son avis ne fît une digression à la louange du prince. Il s’agissait d’augmenter le nombre des gladiateurs, ou d’instituer un collège d’artisans ; et, comme si les limites de l’empire eussent été reculées, tantôt nous votions des arcs de triomphe d’une grandeur prodigieuse, et des inscriptions auxquelles ne suffisait pas le frontispice des temples, tantôt nous imposions aux mois de l’année, et à plus d’un à la fois, le nom des Césars : et ceux-ci le souffraient, ils s’en réjouissaient, comme s’ils l’eussent mérité. Maintenant qui de nous, oubliant l’objet de la délibération, acquitte en éloges pour le prince ce qu’il doit en conseils ? Notre indépendance est l’œuvre de votre modération ; c’est afin de vous plaire que nous venons au sénat, non pour disputer entre nous de flatterie, mais pour faire et recevoir justice, prêts à payer à votre franchise et à votre générosité cette reconnaissance bien légitime, de croire que vous voulez ce que vous voulez, que vous ne voulez pas ce que vous ne voulez pas. Nous commençons, nous finissons par où l’on ne pouvait ni commencer ni finir sous un autre prince. Car si plus d’un s’est refusé, comme vous, à des honneurs qui lui étaient décernés, aucun jusqu’à vous n’a été assez grand pour