Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/111

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dois-je admirer d’abord, ou de la grandeur d’âme, ou de la modestie, ou de la générosité ? Ce fut grandeur d’âme de refuser un honneur que tout le monde désire, modestie de le céder, générosité d’en jouir par autrui.

LIX- Mais il est temps de vous rendre, afin que le consulat, accepté, exercé par vous, en devienne plus auguste. On ne saurait que penser d’un refus trop constant ; ou plutôt on penserait que vous trouvez cet honneur indigne de vous. Sans doute vous l’avez refusé comme infiniment grand ; mais c’est une chose que vous ne persuaderez à personne, si vous ne finissez par l’accepter un jour. Lorsque vous priez qu’on ne vous érige ni arcs de triomphe, ni trophées, ni statues, votre réserve est excusable : c’est à vous-même que ces monuments sont offerts ; ici, au contraire, nous vous supplions d’apprendre aux futurs empereurs à renoncer à l’inaction, à suspendre un peu leurs jouissances ; à se réveiller pour quelques instants, aussi courts qu’ils voudront, du sommeil où s’endort leur félicité ; à revêtir cette robe prétexte qu’ils ont prise pour eux quand ils pouvaient la donner à d’autres ; à s’asseoir sur cette chaise curule qu’ils s’obstinent à garder ; à être, en un mot, ce qu’ils ont souhaité d’être, et à ne plus vouloir devenir consuls seulement pour l’avoir été. Vous avez exercé, je le sais, un second consulat ; vous pouvez le compter aux armées, aux provinces, aux nations étrangères ; à nous, vous ne le pouvez. Nous avons appris que vous aviez rempli dans toute leur étendue les devoirs d’un consul ; mais nous n’avons fait que l’apprendre. On dit que vous fûtes le plus juste, le plus humain, le plus patient des hommes ; mais on ne fait que le dire. L’équité veut que nous en jugions une fois par nous-mêmes et sur le témoignage de nos yeux, au lieu d’en croire toujours les bruits publics et la renommée. Jusques à quand applaudirons-nous de loin à des vertus absentes ? Qu’il nous soit permis d’essayer si ce second consulat ne vous aurait pas donné quelque orgueil. L’espace d’une année peut apporter de grands changements dans les mœurs des hommes, de plus grands dans celles des princes. L’école nous enseigne que quiconque possède une vertu les réunit toutes : nous désirons cependant savoir par expérience si c’est encore aujourd’hui la même chose qu’un bon consul et un bon prince. Car, outre la difficulté d’embrasser à la fois deux pouvoirs