Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

désire les quitter ; d’accorder, avec regret sans doute, mais d’accorder pourtant, la retraite à qui la demande ; de ne pas vous croire abandonné d’un ami, parce qu’il implore de vous le repos ; enfin de trouver toujours des hommes à enlever et à rendre à la vie privée. Et vous aussi, vous, que notre père commun daigne honorer de ses regards familiers, entretenez religieusement la bonne opinion qu’il a prise de vous ; cette tâche est la vôtre ; car le prince ayant une fois prouvé qu’il sait beaucoup aimer, il est exempt de reproche envers ceux qu’il n’aimerait pas autant. Quant à lui, qui pourrait le chérir médiocrement, lorsque en amitié, au lieu de prescrire des lois, il en reçoit ? L’un veut être aimé présent, l’autre absent : que chacun d’eux soit aimé comme il le préfère ! ni la présence n’attirera le dégoût du prince, ni l’absence son oubli. On garde auprès de lui la place qu’on a une fois méritée ; et ses yeux oublieraient plutôt les traits d’un absent, que son cœur ne cesserait de l’aimer.

LXXXVIII- La plupart des princes étaient à la fois les maîtres des citoyens et les esclaves de leurs affranchis : ils se gouvernaient par les conseils, par les caprices de ces hommes ; ils n’entendaient, ne parlaient que par eux ; c’était par leur entremise, ou plutôt c’était à eux que l’on demandait les prétures, les sacerdoces, les consulats. Vous, César, vous marquez à vos affranchis beaucoup de considération, mais comme à des affranchis ; et vous croyez que c’est pour eux assez d’honneur, s’ils sont réputés gens probes et de bonne conduite. Vous savez en effet que rien ne témoigne plus hautement contre la grandeur des princes, que la grandeur des affranchis. Et d’abord vous n’employez que ceux qui se sont acquis votre estime, ou celle de votre père, ou celle de nos meilleurs princes ; et ceux-là mêmes, vous les formez dès le premier jour, vous les formez tous les jours, à se mesurer, non sur votre fortune, mais sur la leur : aussi sont-ils d’autant plus dignes de tous nos égards, que rien ne nous force à leur en prodiguer. Est-ce pour de justes motifs que le sénat et le peuple romain vous ont décerné le surnom de Très Bon ? ce titre était facile à trouver, j’en conviens ; il est vulgaire, et cependant il est nouveau. La preuve que nul jusqu’ici ne l’avait mérité, c’est qu’il venait de lui-même à la pensée, si quelqu’un en eût été digne. Fallait-il préférer le nom d’Heu-