Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

enfin, toutes les fois que nous avons vaincu, c’est parce qu’on avait bravé notre empire. Que si quelque roi barbare pousse jamais l’insolence et la folie jusqu’à mériter votre colère et votre indignation, malheur à lui ! de vastes mers, des fleuves immenses, des montagnes escarpées le défendront en vain : à la facilité avec laquelle il verra tomber devant vous ces barrières impuissantes, il pourra croire les montagnes aplanies, les fleuves desséchés, la mer retirée de son lit, et, au lieu de flottes, Rome elle-même transportée sur ses rivages.

XVII- Il me semble déjà contempler un triomphe dont la pompe n’est plus chargée du butin des provinces et de l’or ravi aux alliés, mais des armes ennemies et des chaînes des rois prisonniers. J’aperçois les grands noms des chefs de guerre, et des corps dont l’aspect ne dément pas ces noms. Je reconnais, sur d’effrayantes peintures, les faits audacieux des barbares, et je vois chacun des captifs suivre, les mains liées, l’image de ses actions ; enfin je vous vois vous-même, du haut de votre char glorieux, pousser devant vous les nations vaincues, et, devant ce char, je vois porter les boucliers que vos coups traversèrent. Les dépouilles opimes ne vous manqueraient pas, s’il était un roi qui osât se mesurer avec vous, et que vos armes, que dis-je ? le feu seul de vos regards et les menaces de votre front ne fissent pas trembler, fût-il éloigné de vous de toute la largeur du champ de bataille, et couvert par toute son armée. Vous devrez à votre dernier trait de modération un précieux avantage : quelque guerre que l’honneur de l’empire vous force de déclarer ou de repousser, jamais vous ne paraîtrez avoir vaincu en vue du triomphe ; on saura que vous triomphez à cause de la victoire.

XVIII- Une merveille m’en rappelle une autre. Qu’il est beau d’avoir rétabli dans les camps la discipline détruite et abolie, en bannissant ces fléaux du siècle précédent, la fainéantise, l’indocilité, le mépris du devoir ! On peut sans péril imposer le respect ou s’attirer les cœurs. Un général ne craint plus ou de n’être pas aimé des soldats, ou d’en être aimé. Sans s’inquiéter s’il déplaira, il presse les travaux, assiste aux exercices, veille à ce que tout soit en bon ordre, armes, retranchements, soldats. C’est que nous vivons sous un prince qui ne se croit pas menacé des attaques préparées contre l’ennemi. Cette faiblesse était bonne pour ceux qui,