Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/49

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dis pas montés sur un char superbe et traînés par quatre chevaux blancs, mais (ce qui est plus insultant) portés sur les épaules des hommes. Vous, César, la majesté seule de votre taille vous élevait au-dessus de la foule : c’était aussi un triomphe ; mais c’est de l’orgueil des princes, et non de la patience des peuples, que vous triomphiez. Aussi ni l’âge, ni la mauvaise santé, ni le sexe, n’arrêtèrent personne, et chacun voulut repaître ses yeux d’un spectacle si nouveau. Les enfants s’empressaient de vous connaître, les jeunes gens de vous montrer, les vieillards de vous admirer ; les malades même, oubliant les ordres de leurs médecins, se traînaient sur votre passage, comme s’ils eussent dû y trouver la guérison et la vie. Les uns, contents de vous avoir vu, de vous posséder, s’écriaient qu’ils avaient assez vécu ; les autres, que c’était maintenant qu’il était doux de vivre. Les femmes même se réjouirent plus que jamais de leur fécondité, en voyant à quel prince elles avaient donné des citoyens, à quel général elles avaient donné des soldats. Les toits couverts de spectateurs pliaient sous le faix, et nulle place n’était vide, pas même celles où le pied suspendu et mal affermi trouvait à peine à se poser. Les rues envahies ne vous offraient plus qu’un étroit sentier, bordé des deux côtés par un peuple dans l’ivresse. C’était partout mêmes transports, mêmes acclamations. Il était juste que tous ressentissent également la joie de votre arrivée, puisque vous étiez également venu pour tous ; et cependant l’allégresse redoublait à mesure que vous avanciez, et croissait presque à chacun de vos pas.

XXIII- On aimait à vous voir embrasser les sénateurs à votre retour, comme ils vous avaient embrassé à votre départ ; on aimait à vous entendre appeler par leur nom les plus honorables chevaliers, sans qu’une voix étrangère aidât votre mémoire ; on aimait ces marques d’une familiarité bienveillante que vous donniez encore à vos clients après avoir, peu s’en faut, prévenu leur salut ; mais on aimait surtout cette lenteur majestueuse avec laquelle vous vous avanciez, autant que le permettait l’empressement de la foule ; on aimait que ce peuple curieux vous approchât aussi, ou plutôt approchât principalement de vous, et que dès le premier jour vous eussiez commis à la foi publique votre flanc désarmé. Car vous ne marchiez point escorté de satellites, mais environné de citoyens :