Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/63

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quelque chose les traverse, c’est un champ que le ciel ouvre à vos vertus, une matière qu’il prépare à votre gloire, puisque la prospérité est le partage des heureux, l’adversité l’épreuve des grandes âmes ? C’était une opinion reçue, que Rome ne pouvait vivre et subsister sans le secours de l’Égypte. Cette nation vaine et insolente s’enorgueillissait de nourrir ses vainqueurs, et de nous donner, à la faveur de son fleuve et de ses vaisseaux, l’abondance ou la famine. Nous avons rendu au Nil ses richesses : il a repris les grains qu’il avait envoyés ; les moissons qu’il avait portées à la mer ont remonté son cours. Que l’Égypte, avertie par l’expérience, apprenne qu’au lieu de nous nourrir, elle nous paye tribut ; qu’elle sache qu’elle n’est point nécessaire au peuple romain, et que cependant elle lui soit soumise. Le Nil peut à l’avenir être fidèle à ses rives, et rester modestement un fleuve : cet événement n’aura aucune suite pour Rome, aucune même pour l’Égypte ; si ce n’est que les navires partiront de ce pays légers et vides, comme ils y retournaient, tandis que Rome les enverra pleins et chargés, comme elle a coutume de les recevoir. L’office qu’on demande à la mer aura changé d’objet ; et c’est pour les flottes qui vogueront du Tibre au Nil qu’on implorera des vents favorables et une course rapide. Ce serait déjà, César, une merveille, que les marchés de Rome n’eussent pas ressenti la stérilité de l’Égypte et la paresse du Nil. Par vos secours et vos soins prévoyants, ils ont versé jusqu’en cette contrée le surplus de leur abondance ; et deux choses ont été prouvées tout ensemble, que nous pouvons nous passer de l’Égypte, et que l’Égypte ne peut se passer de nous. C’en était fait de la province la plus féconde, si elle eût été libre. Honteuse d’une impuissance de produire qu’elle ne se connaissait pas, elle ne rougissait pas moins qu’elle ne souffrait de la faim : vous avez soulagé tout à la fois ses besoins et sa honte. En voyant regorger des greniers qu’il n’avait pas remplis, le laboureur étonné se demandait de quels champs était venue cette moisson, et quelle partie de l’Égypte était arrosée d’un autre fleuve. Ainsi, grâce à vous, la terre n’est plus avare ; et le Nil, toujours officieux, souvent a coulé plus abondant pour l’Égypte, jamais pour notre gloire.

XXXII- C’est maintenant que toutes les provinces se trouvent heureuses d’être soumises à un empire dont le chef, disposant de la fécondité des terres, la transporte d’un lieu à