Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/67

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funestes plaisirs. Ô délire ! ô ignorance du véritable honneur ! un prince ramassait dans l’arène des accusations de lèse-majesté ; il se croyait méprisé, avili, si ses gladiateurs ne recevaient nos hommages ; il prenait pour lui le mal qu’on disait d’eux, et sa divinité lui semblait violée en leur personne : insensé, qui, s’égalant aux dieux, égalait à lui-même de misérables esclaves !

XXXIV- Mais vous, César, quel beau spectacle vous nous avez offert à la place de ces horribles scènes ! Nous avons vu amener dans l’amphithéâtre, comme des assassins et des brigands, une troupe de délateurs. Et ces brigands n’attendaient point le voyageur dans la solitude : c’est un temple, c’est le forum qu’ils avaient envahi. Plus de testaments respectés, plus d’état certain ; qu’on eût des enfants, qu’on n’en eût pas, le danger était le même. L’avarice des princes avait aggravé ce fléau. Vous avez ouvert les yeux, César, et déjà pacificateur du camp, vous avez aussi pacifié le forum. Vous avez extirpé ce mal domestique, et votre sévérité prévoyante a empêché qu’une république dont les lois sont le fondement ne fût détruite au nom des lois. Ainsi, quoique votre fortune, d’accord avec votre munificence, nous ait fait admirer des forces d’hommes prodigieuses et des courages qui répondaient à ces forces, et dans les bêtes une férocité monstrueuse ou une douceur inconnue ; quoique vous ayez étalé publiquement ces merveilles cachées, ces richesses du palais, interdites jusqu’à vous aux regards du vulgaire ; rien cependant n’a été plus agréable, rien n’a été plus digne du siècle, que de voir du haut de nos sièges les délateurs, le cou renversé et la tête en arrière, montrer leur face hideuse. Nous reconnaissions leurs traits ; nous jouissions, lorsque ces pervers, victimes expiatoires des publiques alarmes, marchaient, sur le sang des criminels, à des supplices plus lents et à des peines plus affreuses. Jetés sur des navires réunis à la hâte, ils ont été livrés à la merci des tempêtes. Qu’ils partent ! qu’ils fuient ces terres désolées par leurs calomnies ! et si les flots et les orages en laissent arriver jusqu’aux rochers de l’exil, qu’ils y habitent d’âpres solitudes et des côtes inhospitalières ; qu’ils y trainent une vie dure et tourmentée de soucis ; qu’ils pleurent en voyant derrière eux le genre humain tranquille et rassuré !

XXXV- Spectacle mémorable ! une flotte chargée de déla-