Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/75

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deuil ; que personne n’appelle à compter sa douleur récente et son cœur encore brisé, et qu’on ne force pas un père à savoir ce qu’a laissé le fils qu’il vient de perdre. J’honore, pères conscrits, le bienfait du prince, quand je montre la justice dans la bienfaisance. J’appelle en effet politique, ostentation, prodigalité, tout plutôt que munificence, un présent que la raison ne justifierait pas. C’était donc, César, une chose digne de votre humanité d’adoucir les chagrins paternels, et de ne pas souffrir que l’amertume de n’avoir plus de fils fût aigrie par une autre amertume, Ah ! trop malheureux déjà le père qui, même seul, hérite de son fils ! que sera-ce s’il reçoit un cohéritier que ce fils ne lui ait pas donné ? Ajoutez que, Nerva avant exempté du vingtième la succession des pères dévolue aux enfants, il était juste que la succession des enfants retournant aux pères en fût aussi déchargée. À quel titre en effet les descendants seraient-ils mieux traités que ceux dont ils descendent ? et pourquoi la justice ne remonterait-elle pas ? Vous avez, César, retranché l’exception qui bornait l’immunité au cas où le fils en mourant serait sous la puissance paternelle ; rendant, je pense, hommage à cette loi de la nature qui a voulu que les enfants fussent toujours dans la dépendance des pères, et qui n’a pas entre les hommes, comme entre les bêtes, donné au plus fort la domination et l’empire.

XXXIX- Non content d’avoir soustrait le premier degré de parenté à l’impôt du vingtième, le prince en a aussi délivré le second ; et, grâce à lui, le frère et la sœur succédant l’un à l’autre, l’aïeul ou la grand’mère héritiers de leurs petits-enfants, le petit-fils ou la petite-fille héritiers de l’aieul ou de la grand’mère, jouissent d’une entière immunité. Il a étendu cette faveur à ceux auxquels les privilèges du Latium ont ouvert l’accès à la cité romaine ; et il a donné à tous à la fois, à tous également, comme les donne la nature, ces droits réciproques de parenté, que les autres empereurs aimaient qu’on sollicitât individuellement, moins afin d’accueillir la demande, que pour avoir le plaisir de la repousser. Combien en doit paraître plus généreux et plus grand celui qui rassemble, renoue, et fait comme revivre des relations pour ainsi dire éparses et brisées ; qui offre ce qu’on refusait d’accorder ; qui prodigue à tous ce que chacun n’aurait pas obtenu ; enfin qui s’ôte à lui-même la matière de tant de bienfaits, et l’occasion d’enchaîner