Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/91

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le plus affreux des monstres avait environné d’un rempart de terreur ; tantôt s’y renfermant comme dans un antre, pour boire à loisir le sang de ses proches ; tantôt s’élançant de son repaire, pour porter le carnage et la mort dans les rangs les plus illustres. L’horreur et la menace en gardaient les portes ; admis ou repoussé, on tremblait également. Ajoutez l’abord terrible de cet homme et sa vue effrayante, l’orgueil de son front, la colère de ses yeux, la pâleur efféminée de son corps, et, sur son visage, l’impudence toute couverte d’une trompeuse rougeur. On n’osait adresser la parole à celui qui cherchait toujours les ténèbres et le silence, et qui ne sortait de la solitude que pour répandre autour de lui la désolation.

XLIX- Entre ces murailles, cependant, où le tyran croyait sa vie si bien assurée, il avait renfermé avec lui la trahison, les embûches, un dieu vengeur des crimes. Le châtiment s’est fait jour à travers les satellites ; et, malgré les obstacles qui rétrécissaient toutes les avenues, il a pénétré non moins facilement que si l’entrée eût été libre et les portes ouvertes. Où était alors la divinité du prince ? et que lui servirent ces appartements secrets et ces réduits cruels, où la crainte, et l’orgueil, et la haine des hommes, le tenaient confiné ? Combien plus sûr et plus tranquille est ce même palais, depuis que ce n’est plus la cruauté, mais l’amour, qui veille à sa garde ; depuis qu’il n’est plus défendu par une enceinte de solitude et par une multitude de barrières, mais par l’affluence des citoyens ! L’expérience nous apprend donc que la garde la plus fidèle d’un prince est l’innocence de sa vie ! C’est une forteresse inaccessible, un rempart inexpugnable, que de n’avoir pas besoin de rempart. Vainement il s’entourera d’épouvante, celui que l’affection ne protégera pas ; car les armes provoquent les armes. Mais ce ne sont pas seulement les heures sérieuses de la journée que vous passez sous nos yeux et au milieu de nous. Ne voit-on pas la même foule assister à vos délassements et partager vos plaisirs ? Ne peut-on pas dire que vos repas sont publics et votre table commune ? Quelle part vous prenez aux délices que nous y goûtons ! quel empressement à nous entendre, à nous répondre ! et, quand votre frugalité abrège la durée des festins, combien votre bonté la prolonge. Qu’un autre, l’estomac tendu, avant le milieu du jour, par les excès d’un repas solitaire, promène sur ses convives des regards