Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/401

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un quart de son bien, ou si même elle vous eût fait son unique héritier, mais que par des legs elle eût si fort chargé sa succession, qu’il ne vous en restât que le quart, auriez-vous droit de vous plaindre[1] ? Vous devez donc être content, si, étant déshérité, ses héritiers vous abandonnent la quatrième partie de ce qu’ils recevront. J’y veux pourtant encore ajouter du mien. Vous savez que vous ne m’avez point assigné : ainsi la prescription qui m’est acquise par une possession publique et paisible de deux années, met ma portion d’héritage à couvert de vos prétentions. Cependant, pour vous déterminer à faire meilleure composition à mes cohéritiers[2], et afin que votre considération pour moi ne vous coûte rien, je vous en offre autant pour ma part. Le témoignage secret de ma conscience ne fut pas le seul fruit que je recueillis de cette action ; elle me fit honneur. C’est donc ce même Curianus, qui m’a laissé un legs, pour rendre un éclatant hommage à mon désintéressement, qui, si je ne me flatte point trop, est digne de la vertu de nos ancêtres[3].

Je vous écris ce détail, parce que j’ai coutume de m’entretenir avec vous, aussi naïvement qu’avec moi-même, de tout ce qui me cause de la peine ou du plaisir : je crois, d’ailleurs, qu’il serait injuste de garder pour moi seul toute ma joie, et de l’envier à mon ami. Car enfin, ma sagesse ne va point jusqu’à ne compter pour rien cette espèce de récompense, que la vertu trouve dans l’approbation de ceux qui l’estiment. Adieu.

  1. Qu’il ne vous en restât, etc. En vertu de la, loi Falcidie, promulguée dès le règne d’Auguste, la réserve du quart des biens suffisait pour ôter à l’héritier légitime ce qu’on appelait la querelle d’inofficiosité contre le testament.
  2. Mes cohéritiers. Au lieu de ut coheredes, j’ai lu avec les derniers éditeurs ut te coheredes.
  3. Pour rendre un éclatant hommage, etc. De Sacy me paraît avoir fait un contresens, en traduisant : // l’accompagne d’un éloge qui (si je ne me flatte point trop) est digne de nos ancêtres. C’est l’action, et non l’éloge, qui est digne de la vertu antique. Si quelque chose peut excuser la louange que Pline s’accorde ici, c’est le