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VIE DE PLOTIN

est un littérateur, mais il n’est nullement un philosophe. » Origène vint une fois dans son auditoire[1] ; Plotin rougit, et voulut se lever. Origène le pria de continuer. Plotin répondit que l’envie de parler cessait, lorsqu’on était persuadé que ceux que l’on entretenait savaient ce qu’on avait à leur dire. Et après avoir parlé encore quelque temps, il se leva.

XV. Un jour qu’à la fête de Platon je lisais un poëme sur le Mariage sacré[2], quelqu’un dit que j’étais fou, parce qu’il y avait dans cet ouvrage de l’enthousiasme et du mysticisme. Plotin prit la parole et me dit d’une façon à être entendu de tout le monde : « Vous venez de nous prouver que vous êtes en même temps poëte, philosophe et hiérophante. » Le rhéteur Diophane lut en cette occasion une apologie de ce que dit Alcibiade dans le Banquet de Platon : il voulait y prouver qu’un disciple qui cherche à s’exercer dans la vertu doit montrer une complaisance absolue pour son maître, même si celui-ci a de l’amour pour lui. Plotin se leva plusieurs fois comme pour sortir de l’assemblée ; il se contint cependant, et, après que l’auditoire se fut séparé, il m’ordonna de réfuter ce discours. Diophane n’ayant pas voulu me le donner, je me rappelai les arguments, que je réfutai, et je lus mon ouvrage devant les mêmes auditeurs qui avaient entendu celui de Diophane. Je fis un si grand plaisir à Plotin qu’il répéta plusieurs fois pendant que je lisais : « Frappez ainsi, et vous deviendrez la lumière des hommes[3]. » Eubulus, qui professait à Athènes la doctrine de Platon, lui ayant envoyé des écrits sur quelques questions platoniques, Plotin voulut qu’on me les donnât pour les examiner et pour lui en faire mon rapport. Il étudia aussi les

  1. Voy. § 3.
  2. Ces mots doivent être pris dans le sens mystique de la théologie antique. Voy. Proclus, Comm. sur le Timée, p. 293 : τὴν ἕνωσιν ϰαὶ συμπλοϰὴν τῶν δυνάμεων άδιαίρετον... εἰώθασι γάμον οἱ θεολόγοι ϰροσαγορεύειν... ϰαθ’ἅ φησιν ὁ θεολόγος (Ὀρφεύς). Πρώτην γὰρ νύμφην αποϰαλεῖ τὴν γῆν, ϰαὶ πρώτιστον γάμον τὴν ἕνωσιν αὐτῆς πρὸς τὸν οὐρανον ϰ. τ. λ.
  3. Il y a dans Homère (Iliade, VIII, 282) : « Βαλλ’ οὔτως, αἴ ϰέν τι φόως Δαναοῖσι γένηαι : frappez ainsi, et vous deviendrez l’honneur des Grecs. » Plotin substitue ἄνδρεσι à Δαναοῖσι et prend le mot φόως dans son sens propre.