Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xix
PRÉFACE.

en un mot tout ce qui fait la beauté ou l’agrément du style ; dans un ouvrage de science, ce qu’il y a de plus important, c’est de faire connaître toute la pensée de l’auteur et l’on doit par conséquent chercher par-dessus tout une rigoureuse exactitude. C’est la règle que nous nous sommes prescrite, au risque de sacrifier l’agrément. Il nous eût été facile sans doute, au moyen de modifications légères en apparence, de suppressions et d’additions qui eussent pu passer inaperçues, de mieux accommoder notre auteur au goût français et d’en rendre la lecture plus facile ; mais, en prétendant corriger Plotin, nous aurions altéré sa pensée et nous ne l’aurions plus fait connaître tel qu’il est[1]. Ce n’est pas que nous ne nous soyons vu souvent dans la nécessité d’ajouter quelques mots pour compléter une phrase que l’auteur avait laissée inachevée, pour prévenir une équivoque ou éclaircir un passage obscur; mais dans tous ces cas, nous avons eu soin de signaler les additions[2]). De même, quand nous avions à rendre quelque terme technique dont le sens ne nous paraissait pas suffisamment fixé ou dont la traduction était contestable, nous avons placé auprès de la version proposée le terme grec lui-même, afin de laisser au lecteur toute liberté de l’interpréter autrement.

Mais, pour un auteur tel que Plotin, il ne pouvait suffire de traduire la lettre : il fallait encore en pénétrer l’esprit et faciliter l’intelligence de la doctrine elle-même.

  1. Nous sommes heureux de nous trouver entièrement d’accord sur ce principe avec les maîtres qui doivent le plus faire autorité en cette matière. « Traduire, dit M. V. Cousin (De la Métaphysique d’Aristote, p. 17), c’est reproduire un auteur, non pas tel que nous aurions voulu qu’il fût, soit pour notre goût particulier, soit pour celui de notre siècle, mais rigoureusement tel qu’il a été dans son pays et dans son siècle, sous ses formes réelles, telles que l’histoire les a conservées. » M. Artaud, dans la préface de sa traduction de Sophocle, pose également cette règle et l’étend même aux œuvres littéraires.
  2. Les additions sont toujours placées entre [ ].