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DEUXIÈME PARTIE.

doctrine des Gnostiques] avec notre philosophie. Pour nous, comme tout ce qui est professé par les Gnostiques est fort différent [de ce que nous enseignons], nous ne saurions tirer aucun profit de cette comparaison ; or c’est pour ce motif seul que nous pourrions nous occuper d’eux[1].

XV. Remarquons surtout quel effet produisent dans l’âme de leurs auditeurs les discours de ces hommes qui leur enseignent à mépriser le monde et ce qu’il contient.

Il y a deux doctrines principales sur la destinée de l’homme : l’une nous assigne pour fin les plaisirs du corps ; l’autre, l’honnêteté et la vertu, dont l’amour vient de Dieu et conduit à Dieu, comme nous le démontrons ailleurs[2]. Épicure, qui nie la Providence divine, nous conseille de rechercher la seule chose qui reste, les jouissances de la volupté. Eh bien ! les Gnostiques ont une doctrine plus pernicieuse encore : ils blâment la manière dont s’exerce la puissance de la Providence et ils accusent la Providence elle-même ; ils refusent tout respect aux lois établies ici-bas et à la vertu


    rompre, quelques actions que fassent ceux qui la possèdent. Comme l’or jeté dans la fange ne perd pas sa beauté et conserve sa nature propre, parce que la fange ne saurait altérer l’or, ainsi eux-mêmes, disent-ils, à quelques actes hyliques (charnels) qu’ils se livrent, ils n’en sont pas souillés et leur essence pneumatique n’en est pas altérée. De là vient que parmi eux les parfaits font, sans aucune crainte, des choses défendues par les Saintes Écritures, mangent la chair des victimes offertes en sacrifice aux idoles, assistent aux fêtes célébrées en l’honneur des faux dieux, et aux combats mêmes de gladiateurs. Il est de ces hommes qui en s’abandonnant jusqu’à satiété à des voluptés charnelles disent qu’ils rendent à la chair ce qui est à la chair, et à l’esprit ce qui est à l’esprit. »

  1. Pour la traduction de ce passage dont le texte est obscur et incorrect, nous avons adopté le sens proposé par Creuzer. Cette phrase : Je vous laisse à comparer le reste de la doctrine des Gnostiques avec notre philosophie, peut s’expliquer par le § 16 de la Vie de Plotin, où Porphyre dit en parlant de ce livre : Il nous laissa le reste à examiner, etc. Voy. p. 17.
  2. Voy. Enn. I, liv. ii.