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Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/449

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DEUXIÈME ENNÉADE.

universelle, si nous ne nous attachons pas aux êtres sensibles, et si, sans toutefois les mépriser, nous savons nous élever aux êtres intelligibles. Si l’intérieur d’un être sensible est beau, jugeons qu’il est en harmonie avec la beauté de son extérieur ; s’il est laid, croyons qu’il est inférieur à son principe. Mais il est impossible qu’un être soit réellement beau à l’extérieur, et laid à l’intérieur : car l’extérieur n’est beau que parce qu’il est dominé par l’intérieur [par l’âme qui donne la forme][1]. Ceux qu’on appelle beaux, et qui sont laids intérieurement, n’ont au dehors qu’une beauté mensongère. Si l’on prétend qu’il y a des hommes qui possèdent un beau corps avec une âme laide, j’affirme qu’on n’en a pas vu et qu’on s’est trompé en les croyant beaux, ou que, si l’on a vu de pareils hommes, leur laideur intérieure était accidentelle et qu’ils avaient une âme naturellement belle : car nous rencontrons ici-bas de grands obstacles qui nous empêchent d’arriver à notre fin. Mais, pour l’univers, peut-il y avoir un obstacle qui l’empêche de posséder la beauté intérieure comme il possède la beauté extérieure ? Les êtres auxquels la nature n’a pas dès le commencement donné la perfection peuvent bien ne pas atteindre leur fin et par conséquent se pervertir ; mais l’univers n’a jamais été enfant ni imparfait ; il ne s’est pas développé, il n’a reçu aucun accroissement corporel. D’où aurait-il reçu en effet un tel accroissement puisqu’il possédait tout ? On ne peut pas non plus admettre que son Âme ait acquis quelque chose avec le temps. Mais l’accordât-on aux Gnostiques, on ne saurait en conclure qu’il y ait là du mal.

XVIII. Mais, diront-ils peut-être, notre doctrine inspire de l’éloignement et de la haine pour le corps[2], tandis que la

  1. Voy. Enn. I, liv. vi, § 2, p. 101.
  2. La doctrine des Gnostiques inspirait en effet de l’éloignement et de la haine pour le corps. Clément d’Alexandrie cite à ce sujet un passage remarquable d’une homélie de Valentin : « Valentin dans une de ses homélies s’exprime en ces termes : « Vous êtes immortels dès le commencement ; vous