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LIVRE DEUXIÈME.

XIII. Il y a encore une considération qu’il ne faut pas mépriser, c’est qu’il ne suffit pas d’examiner uniquement le présent, qu’on doit tenir compte aussi des périodes passées et de l’avenir afin d’y voir s’exercer la justice distributive de la divinité[1]. Elle fait esclaves ceux qui ont été maîtres dans une vie antérieure, s’ils ont abusé de leur pouvoir ; et ce changement leur est utile[2]. Elle rend pauvres ceux qui ont mal employé leurs richesses : car la pauvreté sert même aux gens vertueux. De même, ceux qui ont tué sont tués à leur tour ; celui qui commet l’homicide agit injustement, mais celui qui en est victime souffre justement[3].


    sic etiam differentias animarum cogites, in quibus hoc quoque invenies ut miseriam, quam doles, ad id quoque valere cognoseas ut universitatis perfection nec illæ desint animæ quæ miseræ fieri debuerunt, quia peccatrices esse voluerunt. Tantumque abest ut Deus tales facere non dehuerit, ut etiam ceteras creaturas laudabiliter fecerit longe inferiores animis miseris. » (S. Augustin, De Libero arbitrio, III, 9.) Voy. encore ci-après, § 17, p. 65.

  1. Si des caractères d’écriture étaient d’une grandeur immense, chaque caractère regardé de près occuperait toute la vue d’un homme, il ne pourrait en apercevoir qu’un seul à la fois, et il ne pourrait lire, c’est-à-dire assembler les lettres et découvrir le sens de tous ces caractères rassemblés. Il en est de même des grands traits que la Providence nous forme dans la conduite du monde entier pendant la longue suite des siècles. Il n’y a que le tout qui soit intelligible, et le tout est trop vaste pour être vu de près. Chaque événement est comme un caractère particulier qui est trop grand pour la petitesse de nos organes, et qui ne signifie rien s’il est séparé des autres. Quand nous verrons en Dieu à la fin des siècles, dans son vrai point de vue, le total des événements du genre humain, depuis le premier jusqu’au dernier jour de l’univers, et leurs proportions par rapport aux desseins de Dieu, nous nous écrierons : Seigneur, il n’y a que vous de juste et de sage. » (Fénelon, De l’Existence de Dieu, I, ch. 3.)
  2. Plotin s’appuie ici sur la doctrine de la métempsycose (t. I, p. 385). Les mêmes idées ont été reproduites avec plus de développement par Proclus (De decem Dubitationibus circa Providentiam, § 8 ; t. I, p. 163).
  3. Némésius a développé cette idée dans son traité De la Nature