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LIVRE SIXIÈME.


XVII. La matière n’est pas non plus la grandeur même : car la grandeur est une forme, et non un réceptacle ; elle existe par elle-même[1]. La matière n’est donc pas encore grandeur sous ce rapport. Mais, comme ce qui existe dans l’Intelligence ou dans l’Âme a voulu devenir grand, il a donné aux choses qui veulent imiter la grandeur par leur aspiration ou leur mouvement la puissance d’imprimer à un autre objet une modification analogue à la leur. Ainsi, la grandeur, se développant dans la procession de l’Imagination (ἐν προόδῳ φαντάσεως), a entraîné avec elle la petitesse de la matière, l’a fait paraître grande en l’étendant avec elle-même, sans que cette extension l’ait remplie. La grandeur de la matière est une fausse grandeur, puisque, ne possédant pas par elle-même de grandeur, la matière a, en s’étendant avec la grandeur, partagé l’extension de celle-ci. En effet, comme tous les êtres intelligibles se reflètent, soit dans les autres choses en général, soit dans une d’elles en particulier, chacun d’eux étant grand, l’ensemble est grand de cette manière[2]. Ainsi, la grandeur de chaque raison [essence] a constitué une grandeur particulière, un cheval, par exemple, ou un autre être[3]. L’image formée par le reflet

  1. Nous retranchons ici avec M. Kirchhoff un membre de phrase qui se trouve déjà au § 13 et qui a été probablement répété par une erreur des copistes. Le voici : « La matière ne peut même pas s’approprier les images des êtres. »
  2. Nous suivons dans ce passage embarrassé la ponctuation adoptée par M. Kirchhoff.
  3. « La forme entre dans la matière en lui apportant tout [ce qui constitue l’essence corporelle] ; or toute forme contient une grandeur et une quantité qui sont déterminées par la raison [l’essence] et avec elle. C’est pourquoi dans toutes les espèces d’êtres la quantité n’est déterminée qu’avec la forme : car la grandeur de l’homme n’est pas la grandeur de l’oiseau. Il serait absurde de prétendre que donner à la matière la grandeur d’un oiseau et lui en imprimer la qualité sont deux choses différentes. » (Enn. II, liv. IV, § 8 ; t. I, p. 207 ) Voy. aussi l’extrait d’Origène cité dans les Éclaircissements du tome I, p. 483.