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LIVRE SEPTIÈME.


manifeste en soi et hors de soi dans son essence immuable, identique, dans la permanence de sa vie. Rien d’étonnant d’ailleurs si nous affirmons malgré cela qu’il y a pluralité en Dieu. Chaque intelligible est pluralité parce qu’il est infini par sa puissance, infini, dis-je, en ce sens que rien ne lui manque ; or il possède éminemment ce privilége parce qu’il n’est sujet à rien perdre.

L’Éternité peut donc être définie : la vie qui est actuellement infinie parce qu’elle est universelle et qu’elle ne perd rien[1], puisqu’il n’y a pour elle rien de passé, rien de futur ; sans cela, elle ne serait plus tout entière. En effet, dire qu’elle est universelle et ne perd rien, c’est expliquer ce qu’on entend par ces mots : la vie qui est actuellement infinie.

V. Comme cette essence brillante de beauté, éternelle, se rapporte à l’Un, en sort et y retourne, qu’elle ne s’en écarte pas, qu’elle demeure toujours autour de lui et en lui, qu’elle vit selon lui, Platon a eu raison de dire, avec une grande profondeur de pensée, que « l’éternité est immuable dans l’unité[2]) ; » par là, non-seulement Platon

  1. Cette définition est citée par Proclus : « C’est pourquoi Plotin appelle l’éternité la vie unique et totale… Selon Plotin, l’éternité, consistant dans la totalité intelligible, est la vie parfaite et universelle. » (Théologie selon Platon, V, 27, p. 311, 330.) Elle a été également reproduite par Boëce : « Æternitas igitur est interminabilis vitæ tota simul et perfecta possessio. » (De Consolatione philosophiæ, V, 6.) Enfin, elle a été développée par Fénelon dans le passage suivant : « J’ai déjà remarqué que, comme tout être divisible est borné, aussi tout véritable infini est indivisible. L’existence divine qui est infinie est donc indivisible. Si elle n’est point divisible comme l’existence bornée des créatures dans lesquelles il y a ce que l’on appelle la partie antérieure et la partie postérieure, il s’ensuit donc que cette existence infinie est toujours tout entière. Celle des créatures n’est jamais toute à la fois : ses parties ne peuvent se réunir ; l’une exclut l’autre, et il faut que l’une finisse avant que l’autre commence. » (De l’Existence de Dieu, II, ch. 5, § 3.)
  2. Voy. ci-dessus p. 172, note 1. Ce passage de Plotin est mentionné par Proclus, Théologie selon Platon, V, 33,