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TROISIÈME ENNÉADE.


encore ce qu’il est par lui-même. Si le nombre dix peut être conçu comme nombre, abstraction faite des chevaux qu’il sert à nombrer, si une mesure a par elle-même sa nature propre, même quand elle ne mesure rien, il doit en être de même du temps, puisqu’il est une mesure. Si le temps est un nombre en lui-même, en quoi diffère-t-il du nombre dix ou de tout autre nombre composé d’unités ? S’il est une mesure continue, étant une quantité, il constituera une mesure comme une coudée, par exemple. Il sera donc une grandeur, une ligne, par exemple, qui suit le mouvement ; mais comment cette ligne pourra-t-elle mesurer ce qu’elle suit ? Pourquoi mesurera-t-elle une chose plutôt qu’une autre ? Il semble plus raisonnable de regarder cette mesure, non comme la mesure de toute espèce de mouvement, mais seulement comme la mesure du mouvement qu’elle suit[1]. Alors cette mesure est continue, en tant que le mouvement qu’elle suit continue lui-même d’exister. Dans ce cas, il ne faut pas regarder la mesure comme une chose extérieure et séparée du mouvement, mais comme unie au mouvement mesuré. Qu’est-ce qui mesurera donc ? Est-ce le mouvement qui sera mesuré et l’étendue qui le mesurera ? Laquelle de ces deux choses sera le temps ? Sera-t-il le mouvement mesuré ou l’étendue mesurante ? Le temps sera ou le mouvement mesuré par l’étendue, ou l’étendue mesurante, ou une troisième chose qui se sert de l’étendue, comme on se sert d’une coudée, pour mesurer la quantité du mouvement. Mais, dans tous ces cas, il faut, comme nous l’avons déjà remarqué, supposer que le mouvement est uniforme : car, si le mouvement n’est pas uniforme, un et universel, on trouve la plus grande obscurité dans l’opinion qui suppose que le mouvement est une

  1. « Le mouvement suit l’étendue, et le temps suit le mouvement, parce que ces choses sont des quantités continues et divisibles. » (Aristote, Physique, IV, XII.)