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LIVRE SEPTIÈME.


le temps le mouvement de l’Âme, lequel subsiste en lui-même, et passe perpétuellement d’un acte à un autre ? C’est qu’au-dessus de l’action de l’Âme il n’y a que l’éternité, qui ne partage pas son mouvement ni son extension. Ainsi, le mouvement premier [de l’Intelligence] aboutit au temps, l’engendre, et le fait durer par son action.

Comment donc le temps est-il présent partout ? C’est que la vie de l’Âme est présente dans toutes les parties du monde, comme la vie de notre âme est présente dans toutes les parties de notre corps. Objectera-t-on que le temps ne constitue pas une substance ni une existence réelle[1], qu’il est un mensonge par rapport à l’Être, comme nous disons que les expressions : il était, il sera, sont un mensonge par rapport à Dieu ; car il était et il sera sont comme ce dans quoi on dit qu’il sera. Pour répondre à ces objections, il faut suivre une autre méthode. Il suffit ici de rappeler ce qui a été dit plus haut, savoir, qu’en voyant combien s’est avancé un homme qui est en mouvement, on voit par là même quelle est la quantité du mouvement, et que, lorsqu’on apprécie le mouvement par la marche, on conçoit en même temps qu’avant la marche le mouvement avait dans cet homme une quantité déterminée, puisqu’il a fait avancer son corps de telle ou telle quantité. Le corps étant mû pendant une quantité déterminée de temps, on ramènera sa quantité à telle quantité de mouvement (car c’est ce mouvement qui en est la cause), et à la quantité de temps qui lui est propre. Nous rapporterons ensuite ce mouvement au mouvement de l’Âme, qui par son action uniforme produit l’intervalle du temps[2].

  1. Plotin fait ici allusion à des opinions semblables à celles d’Antiphane et de Critolaüs : « Antiphane et Critolaüs disaient que le temps est une conception ou une mesure, qu’il n’a point d’existence réelle (οὐδε ὑπόστασις). » (Stobée, Eclogœ physicœ, IX, § 40, p. 252, éd. Heeren.)
  2. Saint Augustin dit comme Plotin qu’on mesure la durée du mouvement des corps par la durée même de l’action de l’âme : « Metior motum corporis tempore ; item ipsum