Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
TROISIÈME ENNÉADE.


éveillé celles d’un homme qui dort[1]. Car la Nature contemple paisiblement son objet, objet né en elle de ce qu’elle demeure en elle-même et avec elle-même, de ce qu’elle est elle-même un objet de contemplation et une contemplation silencieuse, mais faible. Il y a, en effet, une autre puissance qui contemple avec plus de force : la Nature n’est que l’image d’une autre contemplation. Aussi ce qu’elle a produit est-il très-faible, parce qu’une contemplation affaiblie engendre un objet faible. De même, ce sont les hommes trop faibles pour la spéculation qui cherchent dans l’action une ombre de la spéculation et de la raison. N’étant point capables de s’élever à la spéculation, ne pouvant à cause de la faiblesse de leur âme saisir l’intelligible en lui-même et s’en remplir, désirant cependant le contempler, ils s’efforcent d’atteindre par l’action ce qu’ils ne sauraient obtenir par la seule pensée. Ainsi, quand nous agissons, que nous voulons voir, contempler, saisir l’intelligible, que nous essayons de le faire saisir aux autres, que nous nous proposons d’agir autant que nous en sommes capables, dans tous ces cas, nous trouvons que l’action est une faiblesse de la contemplation ou une conséquence de la contemplation : une faiblesse, si, après avoir agi, l’on ne possède rien que ce qu’on a fait ; une conséquence, si [après avoir agi] l’on a à contempler quelque chose de meilleur que ce qu’on a fait. Quel homme, en effet, pouvant contempler réellement la vérité en va contempler l’image ? De la vient le goût qu’ont pour les arts manuels et pour l’activité corporelle les enfants qui ont un esprit faible et qui ne peuvent comprendre les théories des sciences spéculatives[2].

IV. Après avoir parlé de la Nature, et expliqué de quelle

  1. Pour le développement de cette pensée, Voy. ci-dessus, p. 142.
  2. Pour la supériorité de la spéculation sur la pratique, d’après Aristote, Voy. les textes cités dans les Éclaircissements du tome I, p. 416.