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LIVRE DEUXIÈME.


telle sorte qu’elle soit tout entière dans chaque partie. Cette essence identique, en devenant ainsi multiple, a des parties complètement séparées les unes des autres : car elle est alors une forme divisible comme les couleurs, comme toutes les qualités, comme toute forme qui peut être tout entière à la fois en plusieurs choses complètement éloignées et étrangères les unes aux autres par les affections qu’elles subissent. Il faut donc admettre que cette forme [qui réside dans les corps] est aussi divisible[1].

Ainsi, l’essence absolument indivisible n’existe pas seule ; il y a une autre essence placée immédiatement au-dessous d’elle et dérivée d’elle. D’un côté, cette essence inférieure participe de l’indivisibilité de son principe ; de l’autre, elle en descend vers une autre nature par sa procession (προόδῳ) ; par là elle occupe une position intermédiaire entre l’essence indivisible et première [l’intelligence], et l’essence divisible qui est dans les corps. Elle n’est pas d’ailleurs dans les mêmes conditions d’existence que la couleur et les autres qualités : car, bien que celles-ci soient les mêmes dans toutes les masses corporelles, cependant la qualité qui est dans un corps est complètement séparée de celle qui est dans un autre, comme les masses corporelles sont elles-mêmes séparées l’une de l’autre[2]. Quoique la grandeur de ces corps

  1. Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § XIX ; t. I, p. LXIII.
  2. Cette phrase est reproduite textuellement par saint Augustin dans son traité De l’Immortalité de l’âme (16), ainsi que l’argumentation de Plotin sur la sympathie qui nuit les organes : Tota igitur [anima] singulis partibus simul adest, quæ tota simul sentit in singulis. Nec tamen hoc modo adest tota, ut candor vel alia hujusmodi qualitas in unaquaque parte corporis tota est. Nam quod in alia parte corpus palitur candoris immutatione potest ad candorem qui est in alia parte non pertinere. Quapropter secundum partes molis a se distantes et ipse a se distare convincitur. Non autem ita esse in anima per sensum, de quo dictum est, probatur. » Par le mot sensus, saint Augustin entend ici la sympathie. Voy. ci-après, p. 257, note 2.