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LIVRE TROISIÈME.


seule capable. Si la pensée est une fonction propre, indépendante, chaque intelligence subsiste par elle-même[1]. Enfin, quand l’âme est raisonnable, et qu’elle l’est de manière à être appelée raisonnable tout entière, ce qu’on nomme partie est conforme au tout, par conséquent n’est pas une portion du tout.

IV. Si c’est ainsi que l’Âme universelle est une, que faudra-t-il répondre quand on demandera quelles conséquences en dérivent, quand d’abord on exprimera le doute que l’Âme universelle puisse à la fois être une et être dans tous les êtres, quand ensuite on demandera comment il se fait que telle âme soit dans un corps et que telle autre n’y soit pas ? Il semblerait être plus conséquent d’admettre que toute âme est toujours dans un corps, surtout l’Âme universelle.

    parce que toutes les pensées particulières doivent être rapportées à l’Âme universelle, comme toutes les sensations différentes des divers organes sont rapportées à un seul et même juge].

  1. Dans son traité De Unitate intellectus, saint Thomas réfute les partisans d’Averrhoès par une argumentation semblable. En voici le résumé : « En général, un même agent qui emploie des instruments divers peut produire des actions multiples ; ainsi le même musicien produira plusieurs sons, s’il touche à la fois une harpe et une lyre. La diversité des instruments sert dans ce cas à diversifier l’action. Mais l’intelligence est à elle-même son instrument ; elle ne suppose pas d’organe extérieur ; donc, si elle est une, son action est nécessairement une, et puisque les hommes, dans le système d’Averrhoès, ne forment qu’un seul être intelligent, de même, ils ne sauraient avoir, par rapport aux mêmes intelligences, qu’une seule et même intellection… Donc, si l’entendement est un pour tous les hommes, toutes les pensées humaines se trouveront ramenées à une opération unique : le genre humain tout entier pensera, voudra, agira de la même manière. Que dis-je ? Tous les hommes penseront aux mêmes objets. Si j’ai l’idée d’une pierre, vous aurez cette même idée en même temps que moi, puisqu’il ne se peut pas que l’intelligence, étant la même chez tous, ne soit pas chez tous, dans le même temps, dirigée vers les mêmes choses. » (Ch. Jourdain, Philosophie de saint Thomas, t. I, p. 302.) Voy. aussi les Lettres de S. Augustin, CLXVI.