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LIVRE TROISIÈME.


par sa partie inférieure au principe vital qui anime une grande plante et qui y administre tout paisiblement et sans bruit[1] ; nos âmes sont semblables par leur partie inférieure à ces animalcules auxquels donnent naissance les parties de la plante qui se putréfient. C’est là l’image du corps vivant de l’univers. Quant à la partie supérieure de notre âme qui est conforme à la partie supérieure de l’Âme universelle, elle peut être comparée à un agriculteur qui, ayant remarqué les vers dont la plante est rongée, s’appliquerait à les détruire et s’occuperait de la plante avec sollicitude. C’est comme si l’on disait que l’homme bien portant et entouré d’hommes bien portants est tout entier aux choses qu’il a à faire ou à étudier : que malade, au contraire, il est tout entier à son corps et en devient dépendant.

V. Mais [demandera-t-on], comment l’Âme universelle peut-elle être à la fois ton âme, l’âme de celui-ci, l’âme de celui-là ? Sera-t-elle l’âme de celui-ci par sa partie inférieure, l’âme de celui-là par sa partie supérieure[2] ?

Professer une pareille doctrine, ce serait admettre que l’âme de Socrate vivrait tant qu’elle serait dans un corps, tandis qu’elle serait anéantie [en allant se perdre

  1. Voy. ci-dessus, p. 231, note 1.
  2. Plotin a déjà réfuté cette hypothèse précédemment, dans le § 3, en montrant que les âmes particulières ne sont pas des fonctions diverses de l’Âme universelle, fonctions qui n’auraient pas une existence distincte de celle de l’Âme universelle, et qui, par conséquent, périraient avec le corps, comme Ficin l’explique dans son Commentaire : « Neque finges eas [rationales animas] nihilo ab Anima mundi differre, quasi sint quædam propagines ejus per corpus ; nec aliter anima mea a tua differat, quam quia differunt inter se corpora, per quæ facta fuerit propagatio ; nec aliter utraque differat ab Anima mundi, quam quia illa quidem sit radix plantave prima, hae vero sint ejus propagines. Sic enim intellectualis ipsa Socratis anima, post obitum in mundi Animam (ut fingitur) resolvenda, dum propriam perdiderit existentiam, esse omnino desinet quando accesserit ad esse perfectum. »