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LIVRE TROISIÈME.


soutenir que le ciel n’a pas d’âme, quand notre corps, qui n’est qu’une partie du corps de l’univers, a cependant une âme ; or, comment la partie serait-elle animée sans que le tout le fût aussi[1] ? C’est dans le Timée[2] surtout que Platon explique clairement sa pensée. Après avoir exposé la naissance de l’Âme universelle, il fait naître postérieurement les autres âmes du mélange opéré dans le même vase d’où a été tirée l’Âme universelle ; il admet qu’elles sont conformes à l’Âme universelle, et il fait consister leur différence en ce qu’elles occupent le second ou le troisième rang. C’est ce que confirme encore ce passage de Phèdre : « L’Âme universelle prend soin de ce qui est inanimé[3]. » Quelle puissance en effet administre, façonne, ordonne, produit le corps, si ce n’est l’âme ? Qu’on ne dise pas qu’une âme a ce pouvoir et qu’une autre ne l’a pas. « L’âme parfaite, ajoute Platon, l’Âme de l’univers, planant dans la région éthérée, agit sur le monde sans y entrer, étant portée au-dessus de lui comme dans un char ; les autres âmes qui sont parfaites partagent avec elle l’administration du monde[4]. » Quand Platon parle de l’âme qui a perdu ses ailes (πτεροῤῥυήσασα), il distingue évidemment les âmes particulières de l’Âme universelle. S’il dit encore que les âmes suivent le mouvement circulaire de l’univers, qu’elles en tiennent leur caractère, qu’elles en subissent l’influence[5], on ne peut en conclure que nos âmes soient des parties de l’Âme universelle. En effet, elles peuvent fort bien subir l’influence exercée par la nature des lieux[6], des

  1. Voy. ci-dessus, p. 263, note 4.
  2. Voy. le passage du Timée cité t. I, p. 469.
  3. Ce passage du Phèdre a été cité ci-dessus p. 89, note 2.
  4. Plotin paraphrase ici Platon au lieu de le citer textuellement. Voy. ibid.
  5. Voy. ci-dessus la note 1 de la page 264.
  6. Il y a dans le texte : ἱϰανὴ γὰρ ψυχὴ ϰαὶ παρὰ φύσεως τόπων πολλὰ ἀπομάττεσθαι, ϰ. τ. λ. Ficin traduit : « Potest enim anima ex natura locorum multa cœlitus imminentia propulsare. » Il donne ainsi à ἀπομάττεσθαι le sens d’ἐϰϐάλλειν, ce qui ne paraît pas