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LIVRE TROISIÈME.


et les lois divines ; il est d’accord avec ces lois, il emprunte d’elles ses principes et relie à elles toutes les choses qui en sont les conséquences ; il maintient impérissables toutes les essences qui peuvent se conserver elles-mêmes conformément à la constitution du monde intelligible ; il conduit les autres êtres où les appelle leur nature, de telle sorte que, s’ils descendent çà ou là, il y a une cause qui leur assigne telle position, telle condition[1].

XVI. Les châtiments qui frappent justement les méchants doivent donc être rapportés à cet ordre qui régit toutes choses comme la convenance l’exige. Quant aux maux qui semblent frapper les bons contre toute justice, accidents, misère, maladies, on peut dire que ce sont les conséquences de fautes antérieures. Car ces maux sont étroitement liés au cours des choses, et y ont même leurs signes[2], en sorte qu’ils paraissent arriver selon la Raison [de l’univers]. Il faut cependant admettre qu’ils ne sont pas produits par des raisons naturelles (λόγοι φυσιϰοί), qu’ils ne sont pas dans les vues de la Providence, qu’ils en sont seulement les conséquences accidentelles[3]. Ainsi, qu’une maison vienne à tomber, elle écrase celui qui est dessous, quel qu’il soit d’ailleurs ; ou bien encore, qu’un mouvement régulier fasse avancer deux choses ou même une seule, il brise ou écrase ce qu’il rencontre. Ces accidents, qui semblent injustes, ne sont pas des maux pour celui qui les souffre, si l’on considère comment ils se rattachent à l’ordre salutaire de l’univers ; peut-être même constituent-ils de justes peines, et sont-ils l’expiation de fautes antérieures. Il ne faut pas croire qu’il y ait dans l’univers une série d’êtres qui obéisse à l’ordre, et une autre série qui reste abandonnée au hasard et au caprice : si tout arrive par des causes et des conséquences naturelles, conformément à une seule raison,

  1. Voy. ci-dessus, p. 64.
  2. Voy. ci-dessus, p. 13-14.
  3. Voy. ci-dessus, p. 82-83.