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LIVRE TROISIÈME.


-nous trouvé la solution que nous cherchons ? ou bien demanderons-nous encore comment l’âme sera dans son instrument ? Quoique ce dernier mode de présence l’emporte sur les précédents, nous voulons en trouver un qui approche encore plus de la réalité.

XXII. Ce mode, le voici : L’âme est présente au corps comme la lumière est présente à l’air (ὡς τὸ φῶς πάρεστι τῷ ἀέρι)[1]. La lumière en effet est présente à l’air sans lui être présente, c’est-à-dire, elle est présente à l’air tout entier sans s’y mêler, et elle demeure en elle-même tandis que l’air s’écoule : quand l’air dans lequel rayonne la lumière vient à s’éloigner d’elle, il n’en garde rien ; tant qu’il reste soumis à son action, il est illuminé[2]. L’air est donc dans la lumière plutôt que la lumière n’est dans l’air[3]. Aussi Platon, en expliquant la génération de l’univers, a-t-il avec raison placé le corps [du monde] dans l’Âme et non l’Âme dans le corps : il dit aussi qu’il y a une partie de l’Âme dans laquelle est le corps, et une autre partie dans laquelle il n’y a aucun corps[4], en ce sens qu’il y a des puissances de

    nature sont les instruments de l’âme. » (De l’Âme, liv. II, 1 et 4 ; p. 168 et 190 de la trad. de M. Barthélemy-Saint-Hilaire.) Voy. aussi Enn. I, liv. I, § 3, 4 ; t. I, p. 38-40.

  1. Voy. le passage de S. Augustin cité dans le tome I, p. 255, note 1.
  2. Dans sa Somme (I, q. CIV, art. 1), saint Thomas d’Aquin se sert de cette comparaison pour expliquer que toutes les choses créées s’anéantiraient dès que la puissance divine cesserait de les vivifier : « Quia non habet radicem in aere, statim cessat lumen, cessante lumine solis. Sic autem se habet omnis creatura ad Deum, sicut aer ad solem illuminantem. » Voy. Ch. Jourdain, Philosophie de S. Thomas, t. I, p. 240.
  3. Voy. t. I, p. 40, 43, 49, 361. Némésius formule ainsi cette théorie dans son traité De la Nature de l’homme (III, p. 74 de la trad. de M. Thibault) : « La nature purement incorporelle pénètre librement toutes choses et n’est pénétrée par aucune ; de telle sorte que, pénétrant les choses, elle s’y unit, et que, n’en étant pas pénétrée, elle ne se mêle pas et ne se confond pas avec elles. »
  4. Voy. les passages du Timée cités dans le tome I, p. 158, note 2, et p. 360-361. La partie de